Laiah

Fanfiction SNK - Liés par le sang

Liés par le sang

Cette fiction contient beaucoup de SPOIL. Donc si tu n'as pas lu les 22 premiers tomes de l'attaque des titans, et que tu veux garder l'effet de surprise, je te déconseille de la lire. Si tu ne suis pas le manga et connais SNK via l'animé, c'est la saison 3 qu'il faut avoir vue. Et si tu es à jour, ou que tu t'en balances, pose tes affaires et mets toi bien, je t'explique deux trois trucs et on démarre.
 

SNK étant l'un de mes deux mangas et animés préférés, j'ai lu beaucoup de fanfictions abordant le thème, curieuse de savoir ce que l'imagination des gens pourrait créer autour de cet univers. Et il y a ce détail que je retrouve bien trop souvent : l'OC féminin que je ne peux pas blairer, et franchement ça m'embête de ne pas l'apprécier. Pourtant je n'ai rien contre les Mary Sue, j'en ai déjà inventées, je suis ok avec le concept, si le personnage est bien écrit, cohérent, développé et attachant, je peux apprécier sans problèmes. En plus le public a souvent tendance à qualifier tout personnage féminin stylé et fort de Mary Sue en utilisant ce personnage type comme prétexte pour simplement être misogyne, donc j'ai même tendance à avoir beaucoup de patience avec ce genre de protagoniste.

Mais là, je te parle d'une figure féminine bien particulière : une jeune fille extraordinaire, dotée de capacités inhumaines sans que ce soit justifié (comme par exemple avec les Ackerman, c'est crédible, parce que c'est ce qui fait la particularité de cette famille), qui arrive à devenir la meilleure dans tous les domaines et sans aucune difficulté (limite elle est née, elle avait déjà trois doctorats et c'est bébé qu'elle a tué son premier titan), absolument parfaite et à qui on ne peut rien reprocher (je veux bien qu'un OC soit formidable mais encore faut-il que ce soit bien foutu, et souvent c'est bien trop bâclé), qui ne se sent pas concernée par les lois, ou dans le cas de SNK, qui se permet de défier l'autorité de l'armée sans subir une seule conséquence (ou alors un petit mot dans le carnet par Erwin qui précise bien que « désobéir olala c'est pas bien ») et qui croit qu'insulter tout le monde c'est avoir de la répartie et un caractère fort (nan madame, t'es juste mal élevée).

Bon évidemment, je comprends que c'est juste de la maladresse d'écriture, que l'objectif derrière c'est justement une femme forte et indépendante, et c'est un but louable, mais honnêtement, ce genre d'OC, à la lecture, je trouve ça insupportable, et ça m'empêche de m'attacher au personnage, d'autant plus quand je sais que, bien développé, je l'aurais adoré. Et bien j'ai très envie de parodier ça, en prenant un tel personnage pour l'incorporer dans ma fiction en plus de gérer mon propre OC, mais de façon réaliste (donc avec un caractère développé par la suite, qui devra faire face aux conséquences de son attitude sans le passe-droit du personnage principal). Bref, cette caricature s'appellera Irra.

 

Tout ne suit pas parfaitement l'intrigue étant donné que mon histoire modifiera certains éléments, mais ce sera très proche de l'œuvre canon. Au niveau chronologique, ma fiction se situe après la découverte de Livaï sur ses origines et le couronnement d'Historia. Bonne lecture.

 

[TW : combats, violence, sang, mort, travail du sexe, viol, traumatismes, suicide]

Fanfiction lies par le sang

Prologue

La jeune fille marchait dans les ruelles sombres, le cœur battant. Elle fit glisser son regard le long des murs, des bâtiments, et des passants. Tout en ces lieux avait cet aspect négligé si caractéristique de la pauvreté qui y logeait depuis des années. Replaçant son vieux sac sur son épaule, l'adolescente lâcha un soupir discret. Il était grand temps pour elle de partir. Elle tourna à droite pour rejoindre l'allée centrale et gravit la petite pente qui donnait sur le long escalier construit dans la roche. S'approchant des hommes qui montaient la garde devant la première marche, elle sortit de sa besace une liasse de billets et la tendit à celui qui était le plus proche d'elle. Le type s'en empara, vérifia le compte, puis hocha la tête. Ses collègues libérèrent le passage et la demoiselle entreprit de monter. Après une heure qui lui sembla interminable, elle atteignit le sommet et s'arrêta pour respirer une bouffée d'air frais. Le vent fouettant doucement son visage, elle leva les yeux au ciel. Il était aussi gris que ses yeux, et le soleil ne montrait pas le moindre signe de présence. Déçue, la jeune fille s'arracha de sa contemplation et se mit à déambuler dans les rues, à la recherche d'un but quelconque.

L'adolescente secoua ses cheveux noirs en réfléchissant. Elle ne devait pas s'éterniser ici, les quartiers étaient luxueux, et avec son allure, elle serait vite remarquée au milieu de toutes ces personnes soignées et vêtues de parures aussi élégantes que coûteuses. Quand elle aperçut une grande porte dans le haut mur, elle s'y engouffra. De l'autre côté, la richesse laissait place à une ville plus modeste. Des enfants jouaient dans les rues sous l'œil attentif des marchands qui vendaient leurs produits. La demoiselle s'approcha d'un étalage, offrit un sourire et quelques pièces à l'homme derrière le comptoir et prit une pomme. Le vendeur la remercia d'un signe de tête et elle poursuivit son chemin. Croquant dans le fruit juteux, elle prit le temps de savourer le goût nouveau qui captivait ses papilles. Déterminée à profiter du reste de la journée, la jeune fille s'engagea sur la route, prête à marcher aussi longtemps que nécessaire. Elle passa plusieurs semaines ainsi, se reposant à la belle étoile lorsque son corps lui rappelait que le sommeil lui était vital, jusqu'à ce qu'elle traverse intégralement l'enceinte du mur Rose et atteigne le district de Trost. Elle savait ce qu'elle voulait faire, elle était motivée à réussir ses objectifs et enfin, trouver sa place dans ce monde si vaste. Deux jours après son arrivée dans la cité, elle entra dans le centre de formation militaire, avec l'intime conviction qu'elle deviendrait une soldate au service de l'humanité, et avec le rêve fou de pouvoir un jour sortir hors des hautes remparts de pierre et vivre la liberté.

Chapitre 1 : Nouvelle recrue

L'aurore se levait doucement, illuminant le grand édifice d'une douce lumière matinale. Le bâtiment, un grand manoir abandonné au centre d'une forêt, accueillait depuis peu la nouvelle escouade Livaï, composée de quelques unes des jeunes et prometteuses recrues de la cent quatrième brigade, Eren Jäger, Mikasa Ackerman, Armin Arlelt, Jean Kirschtein, Sasha Braus, Connie Springer et Irra Troynn. Le caporal était assis sur la chaise de son bureau, ouvrant avec désinvolte une lettre qui venait d'arriver. Il parcourut des yeux le papier, le message venait d'Erwin, resté dans la ville voisine pour diriger la caserne militaire nouvellement aménagée. Le jeune haut gradé soupira, il posa le courrier sur la table et se leva pour quitter la pièce. Livaï se dirigea d'un pas nonchalant vers la cuisine, où les adolescents qu'il supervisait dorénavant prenaient bruyamment leur repas.

- Si le Caporal n'a rien prévu pour nous aujourd'hui, ça vous tenterait un entraînement au corps à corps dans la cour ? suggéra Connie, je me sens un peu rouillé à force de rester inactif.

- On s'en fout de l'avis de ce nabot, répondit Irra avec arrogance, moi je suis partante, on va pas se laisser dicter notre conduite par un type qui dépasse pas un mètre soixante. Mais dis moi Connie, avec le niveau médiocre que tu t'es tapé tout le long de notre formation, t'as pas peur de te blesser en nous affrontant ?

Le dirigeant de l'escouade choisit cet instant pour entrer dans la salle, plongeant cette dernière dans un silence pesant. Il fit quelques pas et s'adossa au plan de travail, face à la table depuis laquelle son équipe le fixait, puis il regarda l'insolente jeune fille. Les cheveux blonds, longs, tombant en cascade dans son dos, les yeux bleus assurés, avec un soupçon de mépris. L'expression fière et tranquille de celle qui sait qu'elle est douée, jolie, et enviable. Lorsqu’il avait étudié les profils de ces quelques recrues de la cent quatrième brigade, il avait été assez surpris par le dossier d'Irra. L'adolescente avait réussi sa formation avec brio, arrivant presque au niveau de Mikasa, qui était pourtant une Ackerman.

- Je me demande vraiment que tu fous ici, lâcha le caporal d'un ton neutre.

Immédiatement, la blonde tiqua.

- Je suis la meilleure recrue du bataillon si on exclue la famille des cobayes d'expériences titanesques, répliqua-t-elle avec dédain, sachant pertinemment que Mikasa n'était pas la seule visée.

- Peut être, renchérit Livaï en saisissant une tasse qu'il remplit de thé noir, mais tu n'as en rien les qualités d'une militaire, et encore moins d'un membre d'élite.

Irra se renfrogna, vexée.

- Vous dîtes ça parce que vous ne supportez pas que quelqu'un ne soit pas intimidé par monsieur le meilleur soldat de l'humanité.

Le haut gradé porta lentement le récipient à ses lèvres et prit le temps d'avaler une gorgée avant de reporter son attention sur l'adolescente qui perdait toute maîtrise d'elle même. A côté, les autres jeunes soldats étaient figés.

- Erreur, gamine, je m'en balance des gens que j'intimide ou pas.

Il désigna Mikasa d'un signe de tête.

- Elle, je ne l'intimide pas, et elle est une excellente militaire en plus d'une personne appréciable. Le souci, morveuse, c'est que tu es incapable de différencier assurance et arrogance, tout comme tu es incapable de la fermer, pour le plus grand malheur des habitants de ce château.

- Pardon ?! Alors déjà...

- Silence.

Son ton était passé de neutre à glacial, tout comme ses yeux gris. Irra préféra obéir, mais elle lui lança un regard noir. Livaï prit un instant pour boire une autre gorgée de son thé avant de faire glisser son regard sur chaque membre de son escouade. Il reprit de sa voix habituellement inexpressive.

- Je ne suis pas venu taper la causette avec vous, j'ai quelque chose à vous dire. J'ai reçu une lettre d'Erwin, le convoi avec le matériel de ravitaillement pour nous arrivera dans l'après-midi. Cependant, en plus, il y aura une nouvelle recrue venant de la promotion de cette année. Le major a pris la liberté de l'incorporer dans cette escouade, il a sûrement de bonnes raisons d'avoir pris cette décision. C'est pourquoi je vous demanderai de bien l'accueillir.

Le caporal avait jeté un regard insistant sur Irra en prononçant cette dernière phrase, puis il finit sa tasse d'une traite. Il traversa la pièce et s'arrêta avant de franchir la porte. Il se tourna vers les adolescents.

- Soyez tous présents dans la cour et en rang quand le convoi arrivera.

Il les laissa sans plus d'indications. Jean se leva, prêt à quitter lui aussi la salle.

- Avec un peu de chance, on aura pas une seconde Irra, balança-t-il simplement.

- Qu'est ce qu'elle a dit la tête de cheval ?! s'énerva la blonde, tu veux que je te rappelle qui a fini deuxième de notre promo ?

Eren lui lança un regard froid.

- Arrête de tout reporter sur nos résultats de formation, ça n'a aucun rapport avec ton caractère détestable.

A ses côtés, Armin hocha la tête. Irra bondit hors de sa chaise et poussa Jean pour sortir de la cuisine, elle se sentait insultée par les paroles du caporal, et celles de ses camarades. Aucun d'eux n'essayait de la comprendre. Était ce trop de réclamer un minimum de reconnaissance pour ses remarquables qualités ?

Dans la cuisine, l'ambiance était maintenant beaucoup plus calme et légère. Eren, Mikasa, Jean et Armin discutaient de la nouvelle recrue, imaginant comment elle serait, tandis que Connie comptait le nombre d'aliments que Sasha pouvait mettre simultanément dans sa bouche. Lorsque le soleil dépassa son zénith, les membres de l'élite se placèrent en ligne dans la cour du manoir. Livaï attendait, les bras croisés, devant eux. Irra, fidèle à elle même fut la dernière à arriver. Un regard du jeune haut gradé lui fit comprendre qu'elle avait intérêt à rejoindre les autres, ce qu'elle fit sans discuter, encore vexée des évènements du matin. Le bruit régulier des sabots frappant le sol se fit entendre et en quelques minutes, un chariot imposant accompagné de cinq soldats du bataillon entrèrent dans la propriété. A l'avant du véhicule qui était tiré par une femme de la garnison, quatre hommes entre trente et cinquante ans montés sur des chevaux, et un peu en retrait se tenait une autre monture sur laquelle était assise une jeune fille d'une quinzaine d'années portant l'uniforme aux ailes de la liberté. Les yeux gris, les cheveux noirs qui semblaient assez longs, bien que maintenus à l'arrière de sa tête par des barrettes, de taille moyenne, le corps fin à la musculature légère. L'un des hommes descendit de son cheval et s'approcha de Livaï pour le saluer respectueusement, poing droit sur le cœur.

- Caporal Chef, nous apportons le matériel que vous aviez demandé.

Il se tourna ensuite vers l'adolescente qui était également à terre près de son cheval et lui fit signe de le rejoindre. Celle ci s'exécuta et avança jusqu'à se trouver à son tour face au haut gradé qui la fixait avec attention. Imitant le soldat, elle plaça son poing droit sur sa poitrine tandis que son autre bras venait dans son dos, les rênes de sa monture serrées dans la main. Le militaire reprit.

- Et voici la nouvelle recrue de votre escouade, Aya'nah.

Il sortit d'une sacoche un dossier et le tendit au caporal qui s'en empara, sans lâcher la jeune fille des yeux.

Chapitre 2 : Aya'nah

Livaï se tourna vers les membres de son élite.

- Allez aider à décharger le matériel, ordonna-t-il, entreposez tout dans l'allée centrale en attendant mes directives.

Les adolescents, aidés des soldats de l'escorte, entamèrent de vider le chariot pendant que le jeune haut gradé reportait son attention sur la recrue.

- Aya'nah donc, tu as un nom de famille ?

- Non Caporal Chef, répondit-elle.

- Je vois, tu fais partie de quelle brigade ?

- La cent sixième.

Il hocha simplement la tête.

- Caporal Chef, l'interpella le soldat à côté, le major nous attend au plus vite, nous devons partir immédiatement.

Livaï jeta un bref regard sur le véhicule qui avait été complètement déchargé avant de se tourner vers l'homme.

- Entendu, allez y.

Après avoir salué une dernière fois leur supérieur, les cinq soldats quittèrent le domaine et s'enfoncèrent dans les bois. Les membres de l'escouade attendirent les prochains ordres en silence.

- Bien, reprit le caporal, Connie, Eren, Irra, Armin, Sasha et Mikasa, vous vous occupez de ranger tout ça, Jean, tu montres à Aya'nah l'écurie pour qu'elle s'occupe de son cheval. Ensuite tu lui fais visiter le bâtiment et tu la conduis à sa chambre pour qu'elle y pose ses affaires. Elle partagera les quartiers d'Irra puisqu'il y a maintenant quatre filles.

- Il n'en est pas question, protesta la blonde, je suis très bien seule, je refuse de partager ma chambre avec une inconnue.

- Je te demande pas ton avis, asséna froidement Livaï, Sasha et Mikasa se partagent déjà une piaule, à part toi, tout le monde est casé avec quelqu'un.

- Pas vous, cracha Irra avec insolence, vous n'avez qu'à l'accueillir dans vos beaux appartements de gradé !

Livaï s'apprêtait à répondre quand Sasha, qui venait d'échanger un long regard avec Mikasa, se racla la gorge pour attirer l'attention.

- Caporal Chef, Mikasa et moi, on peut installer un troisième lit dans nos quartiers, il y a de la place. Aya'nah vient d'arriver, ce serait le pire accueil de que de la laisser avec Irra non ?

La blonde allait s'offusquer mais le caporal l'avertit d'un geste de se taire.

- Entendu, accepta-il, toutes les deux, allez directement préparer votre chambre et laissez les autres ranger le matériel.

Il se tourna vers Aya'nah tandis que les deux jeunes filles rentraient vers le manoir.

- Une fois que tu auras fini avec le tour des lieux et tes affaires, Jean t'accompagnera jusqu'à mon bureau pour qu'on discute de l'organisation de l'escouade et de tes nouvelles fonctions, en attendant je vais lire ton dossier pour en savoir plus sur tes compétences.

- Oui Caporal Chef, acquiesça la nouvelle recrue.

Livaï partit vers la porte du bâtiment, mais il fit demi tour et revint sur ses pas pour se placer devant Irra, qui maintenait avec peine sa colère.

- Écoute moi attentivement, la merdeuse, lança-t-il d'une voix froide, ton comportement est inacceptable, tu frôles l'insubordination, alors si tu veux rester dans cette élite ou juste ne pas finir au fond d'une cellule, je te conseille très sérieusement de te calmer. Tu es très loin d'être irremplaçable, retiens le.

Il s'éloigna à nouveau, d'une démarche désinvolte, laissant le groupe dans un silence planant. La blonde se mit au travail sans un mot et les autres suivirent. Jean fit signe à Aya'nah de le suivre.

- Désolé que tu assistes à ça dès ton arrivée, s'excusa le jeune homme en ouvrant la grande porte de l'écurie, Irra est douée mais elle a de gros soucis avec l'autorité et le respect. Livaï la recadre durement mais il est toujours juste tu sais.

- Je me doute, sourit l'adolescente.

Elle mena sa monture dans un box et retira la selle du dos de l'animal pendant que Jean l'aidait en enlevant la bride.

- Dis moi, pourquoi avoir choisi le bataillon ? demanda-t-il, curieux.

- L'envie de liberté. J'ai mis beaucoup de temps avant de sortir pour découvrir ce monde. Quand j'ai enfin pu passer cette étape, je me suis jurée de ne jamais plus vivre enfermée, mais il y a encore ces murs.

- Il y a beaucoup de recrues de ta promotion qui ont fait le même choix ?

- En fait, soupira Aya'nah, je suis la seule.

Jean écarquilla les yeux.

- Nan ? Sans blagues ?

- J'aimerais bien. Il y a trois jours, le major a fait un discours sur une estrade, toute ma promo était là, il y avait deux autres factions qui venaient d'un autre centre de formation. En tout, nous devions être environ cent cinquante. Le major a alors parlé des dangers des expéditions, il a donné le nombre de morts, de blessés, on aurait dit qu'il voulait décourager les nouveaux...

- Oui, il fait ça pour être sûr que seuls les plus motivés resteront, confirma le jeune homme en se rappelant sa propre expérience. Et que s'est-il passé après ?

- Ensuite, continua la brune, il a demandé à ceux qui ne voulaient pas intégrer le bataillon de partir. Je me suis retrouvée toute seule devant l'estrade. Le major est descendu et il m'a serré la main en me complimentant pour mon courage, je ne comprenais pas du tout ce qu'il se passait. J'ai été transférée à la caserne, c'est là que j'ai appris que le bataillon réfléchissait à lancer une campagne de recrutement, et dès le lendemain, j'ai été convoquée par le major, qui en lisant mon dossier, a décidé de m'envoyer ici.

Ils rangèrent l'équipement équestre et Jean la fixa un instant.

- Tu dois être exceptionnelle alors, pour qu'il décide de t'incorporer à l'élite dès la fin de ta formation. Tu n'as jamais vu de titans ?

Elle secoua la tête.

- Bah, t'en verras bien assez tôt.

Le jeune homme lui sourit, Aya'nah lui rendit la pareille avant de prendre son sac. Ils passèrent les vingt minutes suivantes à visiter l'édifice, la jeune fille apprit dans les grandes lignes l'organisation et le fonctionnement de l'escouade, en particulier ce qui concernait la propreté que les lieux devaient conserver. Enfin, Jean la conduisit devant la chambre que ses homologues féminines partageaient, elle frappa à la porte et Mikasa vint lui ouvrir.

- Entre, dit-elle en la laissant passer.

Aya'nah pénétra dans la pièce. Deux lits superposés se trouvaient sur la gauche, au fond de la pièce, Sasha était en train de terminer l'installation d'un lit placé sous la fenêtre. Sur la droite, il y avait une porte menant à une petite salle de bain ainsi qu'un bureau contre le mur. Une armoire était placé à l'opposé, devant les couchettes en hauteur.

- J'ai placé une malle aux pieds de ton lit Aya'nah, sourit la jeune fille aux longs cheveux châtains, l'armoire est déjà pleine et tu vas avoir besoin de ranger tes affaires. J'espère que ça ne te gêne pas d'être près de la fenêtre ?

- Non non, c'est parfait, merci beaucoup les filles, répondit la nouvelle, reconnaissante.

Elle s'approcha du lit et vida le contenu de son sac dans le coffre. Elle avait peu d'affaires personnelles, quelques vêtements civils, des uniformes de rechange, ainsi qu'un vieux carnet accompagné de crayons. Mikasa vit l'objet au milieu du tissu.

- Il y a quoi dans ton carnet ? demanda-t-elle.

- Quelques écrits, et des croquis, j'aime bien dessiner, mais j'en ai plus trop le temps maintenant.

- On peut voir ? questionna Sasha, intriguée.

- Je vous montrerai tout à l'heure si vous voulez, le caporal m'attend, et Jean ne va pas rester à la porte indéfiniment.

Les adolescentes hochèrent la tête et lui firent un bref signe de la main quand elle sortit. Avec le jeune homme, elle marcha dans les couloirs, gravit les escaliers, longea les murs jusqu'à ce que son guide s'arrête face à une porte en bois. Il toqua, et Aya'nah prit une longue inspiration.

Chapitre 3 : Origines

Une voix répondit de l'intérieur.

- Entrez.

Les deux soldats s'exécutèrent. D'un geste uni et synchronisé, ils placèrent leur poing droit sur leur cœur. La pièce était simplement meublée. Un bureau au fond, centré, des étagères pleines de livres le long des murs. L'unique fenêtre était derrière la table. Sur cette dernière, des piles de fichiers étaient rangées dans un agencement qui frôlait l'irréel. Par ailleurs, le lieu en lui même était organisé de la même façon. Ordre et propreté étaient les maîtres mots de cet espace. Livaï était debout derrière son pupitre, dos à la porte, le regard perçant au travers du carreau de verre qui le séparait de l'extérieur. Il ne se retourna pas quand ses officiers furent dans la salle.

- Tu peux y aller Jean, indiqua-t-il.

Le jeune homme lança un sourire encourageant à l'adolescente avant de quitter la pièce. La nouvelle recrue ne bougea pas, attendant la réaction de son supérieur. Au bout de quelques secondes de silence profond, le caporal pivota vers elle et la regarda. Il désigna la chaise qui faisait face à son bureau d'un mouvement de tête.

- Assis toi.

Aya'nah rompit son salut, fit quelques pas en avant et obéit, pendant que Livaï prenait place sur son propre siège. La brune remarqua que son dossier était ouvert sur la table. Elle plongea ses yeux gris dans ceux, de la même couleur, du haut gradé.

- Tes capacités sont très impressionnantes, commença-t-il d'une voix blasée, j'ai comparé tes résultats de formation à ceux de la première de mon escouade, Mikasa Ackerman, et il se trouve qu'ils sont équivalents. Cependant, les informations sont incomplètes sur certains points, et j'ai pour habitude de connaître les gens que je fréquente, surtout quand ils font partie de mon équipe.

Il fit une courte pause, lui laissant le temps d'assimiler ses paroles, avant de reprendre.

- J'aimerais donc que tu répondes à mes questions.

Aya'nah hocha la tête. Livaï prit l'un des papiers, sur laquelle figurait l'identité de sa nouvelle recrue et reporta son attention sur celle ci.

- Rien ne mentionne tes origines, d'où viens-tu ?

La jeune fille détourna le regard, qu'elle maintenait pourtant depuis le début de la discussion. Elle semblait gênée, et légèrement honteuse.

- Des bas fonds Caporal Chef, murmura-t-elle.

Le silence lui répondit. Intriguée, elle leva de nouveau les yeux vers son supérieur et vit une étrange lueur passer dans ses iris. D'une voix lente et posée, il prononça quatre mots qui déstabilisèrent l'adolescente.

- Raconte moi ton histoire.
 

*******

 

La fillette courait dans les ruelles sombres de la ville souterraine. Âgée d'environ sept ou huit années, les cheveux longs, noirs et décoiffés flottant dans les airs, les yeux gris acier plein d'énergie, elle tentait de semer les trois garçons qui la pourchassaient. Assez maigre, mais pas maladive, elle était pour son âge d'une étonnante agilité et cachait derrière son corps à l'apparence fragile une force surprenante. D'un bond, elle gravit un muret, escalada une gouttière qui craqua sous son poids sans se briser et continua sa course sur les toits. Incapables de la suivre, ses poursuivants abandonnèrent, non sans râler après cette diable de fille. Sans elle, ils auraient pu s'amuser encore longtemps avec le chat qu'ils avaient trouvé, mais alertée par les cris apeurés de l'animal, la petite brune était intervenue, lui permettant de fuir. Vexés de son interruption, les enfants l'avaient prise en chasse.

Aya'nah regagna la rue qu'elle habitait avec sa mère. Elle entra dans l'étroit appartement qu'elles partageaient et jeta un coup d'œil dans la pièce. L'adulte était absente, ce qui surprit la fillette, qui savait qu'elle ne travaillait pourtant que le soir. Songeant qu'elle était probablement sortie faire quelques courses, l'enfant s'installa sur la table et entama un croquis dans son carnet en attendant son retour. Toutes deux étaient très proches. Passionnée par le dessin, la jeune femme avait transmis son art à sa fille unique, lui léguant carnets et crayons comme héritage le plus sincère. Prostituée de la ville souterraine, Klira s'était sentie seule et malheureuse pendant des années. Son métier, bien qu'ingrat de son point vue, lui permettait de vivre correctement, mais la solitude était une ennemie redoutable. Aussi, lorsqu'elle avait rencontré un client acceptant de lui donner un enfant sous contrainte de ne jamais devoir s'en occuper, elle avait gardé de côté une certaine somme d'argent et s'était retiré des bordels le temps de mener à terme sa grossesse. Une fois le bébé mis au monde, elle avait donné au poupon l'amour le plus fort qu'elle possédait, et lui avait enseigné dans ses premières années tout ce qu'elle savait, estimant que le peu de connaissances qu'elle disposait serait utile à un potentiel épanouissement de ce qu'elle avait de plus précieux. Aussi, Aya'nah avait appris la lecture, l'écriture, le dessin et la musique. Mais ce qu'elle avait le plus retenu de sa mère, c'était l'espoir brillant dans ses yeux bleus océan et le sourire qu'elle lui tendait. Une force mentale d'une telle prestance que la fillette avait tâché d'en imiter les caractéristiques, son admiration grandissant au fil du temps pour celle qui lui avait donné la vie.

La porte de l'appartement s'ouvrit avant de se refermer dans un claquement discret et l'enfant leva les yeux de son œuvre pour sourire à sa génitrice. Sourire qui se figea instantanément. La jeune femme était blessée. Des hématomes se démarquaient sur sa peau pâle, du sang coulait de ses lèvres fendues, de multiples plaies, probablement faites avec une lame, parsemaient son cou et ses bras. Ses vêtements étaient déchirés, retirés à certains endroits et ses longs cheveux bruns étaient décoiffés. Mais ce qui alarma le plus Aya'nah fut l'expression sur le visage de sa mère. Les yeux écarquillés, humides, aux iris vides qui la fixaient sans la voir. L'horreur peinte en portrait. Klira s'écroula contre la porte et fondit en larmes. La fillette se leva et se précipita vers elle pour la prendre dans ses bras. L'adulte répondit à son étreinte tandis que des sanglots la parcouraient. Doucement, elle l'aida à se lever et la fit asseoir sur le grand lit au fond de la pièce avant d'aller chercher des bandes de tissus pour panser ses blessures. Avec une infinie patience pour son jeune âge, la petite brune débarrassa la jeune femme de sa tenue pour lui enfiler une grande tunique blanche, puis, attendant qu'elle se calme et retrouve ses esprits, elle s'empara de la brosse et la lui passa dans les cheveux avec tendresse. Apaisée par les gestes de sa fille, Klira se laissa bercer un instant, laissant son cœur battre plus lentement. Elle ne pleurait plus, seules quelques larmes rebelles et silencieuses glissaient encore le long de ses joues. Aya'nah posa l'objet et se plaça aux côtés de sa mère avant de lui saisir les mains, le regard inquiet.

- Maman, commença-t-elle d'une voix douce qu'elle voulait réconfortante, que s'est-il passé ?

L'adulte prit une longue inspiration avant de plonger ses yeux océan dans les iris gris de son enfant. De nouvelles perles salées embuèrent sa vue.

- Aya'nah, murmura-t-elle, tu te souviens de ce que je t'ai appris ? A propos de mon travail ?

La fillette hocha la tête.

- Tu as dit que ton travail était désigné comme dégradant, récita-t-elle avec sérieux, que beaucoup estimaient les prostituées comme inférieures, mais que tu n'étais pas d'accord avec cette vision des choses. Tu as dit que le respect se devait envers n'importe quelle personne, et que le milieu de vie, le travail ou le rang social ne seraient jamais des arguments pour rabaisser ou humilier qui que ce soit.

- Et bien ce soir, renchérit la jeune femme en tremblant, des hommes n'ont pas suivi ces principes moraux...

- Qui maman ? demanda Aya'nah avec un ton soudainement très froid.

- L'homme qui vient souvent me voir au travail, souffla Klira, Tarss Ohn, avec sa bande, ils m'ont croisée dans une rue. Ils ne voulaient pas payer cette fois, j'ai dit non pourtant, je me suis débattue, ils n'ont rien voulu savoir. Tous ensemble, ils m'ont fait du mal.

Soudainement elle saisit les épaules de sa fille qui sursauta, surprise. Un éclat particulier brillait dans ses yeux de saphir, elle semblait paniquer.

- Écoute moi bien ma chérie, lança l'adulte d'une voix brisée, qu'importe que tu sois une noble, une paysanne ou une prostituée, le consentement est un choix qui s'offre à toi, tu as le droit de dire non, tu as le droit de refuser, au même titre que celui d'accepter. Mais les hommes eux, ne vivent que pour eux même, ils se fichent de toi et de ce que tu ressens, pour eux tu es un objet, c'est pour ça que tu dois te protéger d'eux, toujours !

Elle se remit alors à pleurer, se roulant en boule sur le lit. Interloquée, la fillette lui caressa les cheveux jusqu'à ce qu'épuisée, la jeune femme s'endorme. L'enfant sortit alors une vieille couverture de l'armoire et la posa sur sa mère en la regardant. Bien que jeune, elle avait compris que la personne qu'elle aimait le plus avait subi un traumatisme gigantesque, qu'elle s'était faite agressée, abusée, et que son esprit était dorénavant marqué. Avec des gestes lents, elle prit son carnet pour aller le poser sur l'étagère, une feuille glissa sur le sol, et elle se pencha pour la ramasser. Un dessin de sa mère. Un portrait de son père. Où était-il à présent ? Elle remis le papier dans le carnet et alla s’asseoir sur la chaise qu'elle occupait plus tôt. La pièce était vide, le seul bruit qu'Aya'nah pouvait entendre était celui des gouttes d'eau s'échappant du robinet à intervalle régulière pour s'écraser dans le bac. Croisant les bras sur la table, la petite brune y posa sa tête, et lentement, s'assoupit à son tour.

Chapitre 4 : Surprenantes révélations

Klira s'éveilla au milieu de la nuit. Elle se redressa et la couverture qui la recouvrait glissa par terre. Peu à peu, les souvenirs revinrent en sa mémoire. Elle parcourut la pièce des yeux et ces derniers s'arrêtèrent sur sa précieuse fille qui, depuis sa chaise, dormait paisiblement. La tête dissimulée par ses bras, les cheveux noirs éparpillés autour d'elle, elle était sublime. Malgré la tristesse qui traversait son être, la jeune femme esquissa un sourire. Cette enfant était sans nul doute sa plus grande fierté. La seule, d'ailleurs. L'adulte se leva et, d'un pas mécanique, elle avança pour atteindre le seul miroir de l'appartement. Du bout des doigts, elle frôla les fines coupures réparties sur son corps en fixant son reflet. Les entailles, de part leur légèreté, ne saignaient plus. Mais une blessure bien plus profonde tâchait la jolie brune. Pour la première fois de sa vie, son image dans la glace la dégoûtait.

Quand elle était devenue prostituée, elle n'avait pas eu honte d'elle même. Parce que ce travail avait été un choix. Son choix. Grâce auquel elle avait pu vivre sans être tenaillée par la faim, ou vaincue par le froid. Elle avait usé de son libre arbitre et c'est ce qui l'avait convaincue de sa propre force. Quand Aya'nah était venue au monde, elle avait remercié cette décision, elle avait pu offrir à sa fille un cadre de vie suffisant, loin d'un rêve idyllique mais suffisant. Un toit, des repas, de l'amour et une éducation, bien que minime. Mais cette fois, tout était différent. La dernière barrière mentale qu'elle avait érigé pour se défendre d'elle même était brisée. Klira se sentait sale, souillée. Elle n'arrivait plus à regarder ses jambes sans revoir ces mains caresser ses cuisses. Elle ne pouvait plus sentir ses propres doigts sur sa peau sans penser aux contacts forcés. La jeune femme frissonna. Elle détestait sa faiblesse, sa beauté, sa condition. Elle se détestait elle même. Mais comment faire cesser cette souffrance dans sa tête ? Des larmes s'échappèrent de ses iris bleus. Une seule solution. Elle s'excusa mille fois auprès de sa fille mais ne la réveilla pas, se haïssant encore plus. Lentement, elle ouvrit un tiroir.
 

*******

 

Dans le bureau du caporal, Aya'nah commença à trembler sans s'en rendre compte. Le jeune haut gradé avait le regard fixé sur elle. Sans un mot, il écoutait et gravait dans sa mémoire chaque détail du récit. Il ne clignait presque pas des yeux, concentré. Dehors, le soleil commençait à descendre, la lumière s'abaissait avec une douceur orangée caractéristique du crépuscule. L'adolescente aurait pu se sentir gênée face à l'attention intense que son supérieur lui portait. Mais elle ne le voyait plus, plongée dans ses souvenirs. Les iris gris perdus dans le vague, elle continua son histoire.

 

*******

 

La fillette ouvrit les yeux et bailla avec désinvolte. Elle se tourna pour regarder sa mère, mais le lit était vide. Fronçant les sourcils, l'enfant se leva et se dirigea dans la seule autre pièce de l'appartement, une minuscule salle de bain avec pour faible ameublement une grande bassine à taille humaine, un robinet, des toilettes et une petite étagère. Aya'nah se figea sur le seuil et porta ses mains devant sa bouche tandis que ses yeux s'écarquillaient. Le cœur de la petite brune rata un battement. Klira était allongée dans la bassine, toujours vêtue de sa tunique blanche. Sa tête était penchée vers l'arrière, les orbites grands ouverts mais qui pourtant ne regardaient rien. Du sang tâchait le vêtement immaculé, de grandes et profondes entailles parsemaient son avant-bras gauche, et sa main droite tenait encore un couteau aiguisé couvert de rouge écarlate. L'enfant tomba sur ses genoux, des larmes vinrent mouiller ses joues. Nombreuses. Irrépressibles. Elle pleura pendant deux longues heures, jusqu'à ce que, lentement, sa peine immense fasse place à une haine profonde envers le responsable de son malheur. Tarss Ohn. C'est lui, et sa bande, qui lui avaient pris sa mère. Les yeux rougis, le regard inexpressif, les gestes d'une mécanique automatique, la fillette se leva, s'occupa du corps de sa mère. Elle la nettoya, lui ferma les yeux, lui mit des vêtements propres et lui brossa les cheveux. Avec peine, elle la transporta sur son lit avant d'aller demander de l'aide aux seuls voisins avec qui sa génitrice entretenait des liens d'amitié. Ensemble, ils portèrent la dépouille de Klira dans le jardin et l'enterrèrent comme ils purent dans un coffret peu prestigieux, de part le prix trop élevé des cercueils. Refusant leur offre d'accueil, Aya'nah s'enferma dans l'appartement et se coupa de la réalité, plongée dans ses pensées. Elle passa la nuit et la journée suivantes, allongée dans le grand lit, les yeux ouverts fixant le plafond. Lorsque de nouveau, la ville souterraine s'endormit, laissant place aux activités nocturnes les plus illégales, la petite brune se leva enfin. Elle enfila des vêtements sombres, prit le grand couteau à la lame de nouveau brillante qu'elle avait pris soin de nettoyer, et sortit. Elle parcourut la ville dans un silence le plus total. Elle savait où il était. Sa mère lui avait toujours défendu de s'y rendre. Mais sa mère n'était plus là. Sa mère était morte, et l'enfant comptait bien la venger. Elle s'approcha de la maison. La lumière filtrait à travers la fenêtre. Cachant le couteau dans son dos, elle frappa à la porte. Un homme vint lui ouvrir.

- Qu'est ce que tu veux gamine ? lança-t-il avec dédain.

- J'ai une nouvelle à apprendre à Tarss Ohn, concernant Klira.

A l'entente de ce nom, une voix s'éleva du fond de la pièce. Rauque et à l'intonation repoussante.

- Laisse la entrer Billy, c'est bon, ce n'est qu'une gosse après tout.

L'homme ferma la porte et retourna auprès des autres. Tous faisaient face à l'enfant. Ils étaient quatre. Ils l'observèrent. Bien que jeune, elle était très jolie, et ils n'avaient aucun doute de ce qu'ils pourraient en faire d'ici quelques années. La fillette porta son attention vers le chef de la bande. Grassouillet, les cheveux châtains presque rasés, les yeux globuleux d'un marron terne, le regard avide.

- Et bien, parle, qu'as tu à nous dire ? T'es la môme de Klira si je me trompe pas ? questionna Tarss.

- Elle est morte, asséna Aya'nah.

- Comment ça se fait ? demanda Billy qui ne s'attendait pas à une telle phrase.

- Elle s'est suicidée le soir de votre dernière rencontre, renchérit la petite brune, elle m'a tout dit, vous lui avez fait du mal.

Les quatre hommes éclatèrent de rire.

- Ah ça, c'est vrai qu'on s'est bien amusés, précisa Tarss, avec Billy, Jack et Hoyd, on lui a montré la masculinité à l'état pur, mais de là à se suicider, ta pauvre mère était bien fragile. Après tout, c'était une putain, elle était habituée à se faire sauter.

Il remarqua le regard noir que l'enfant lui portait. Son sourire s'aggrandit.

- Me dis pas que tu t'attendais à ce qu'on chiale en s'excusant morveuse, la nargua-t-il, allez, qu'est ce que t'es venue faire ici ?

Aya'nah ne prit pas la peine de répondre, elle laissa la rage surgir en elle. Elle se sentait si forte. Elle ne comprit pas, mais elle se laissa entraîner par l'énergie qui coulait en elle. D'un bond, elle sauta sur le plus proche des hommes et brandit sa lame, la plongeant dans le cou de sa cible. Du sang jaillit, l'éclaboussant, mais elle n'y fit aucunement attention. Les autres se levèrent d'un bond, surpris, et se jetèrent sur l'enfant pour l'arrêter. Le premier, Billy, reçut le couteau dans le ventre. Il gargouilla quelques mots avant de s'écrouler. Hoyd se précipita à son tour, mais l'arme glissa de son épaule jusqu'à sa poitrine, traçant une profonde entaille qui le fit glisser à terre. Couverte de fluide écarlate, les iris gris emplis de folie meurtrière, la fillette planta une première fois sa lame dans le corps de Tarss, qui hurla. Elle recommença plusieurs fois, tandis qu'il mourait lentement, sans pouvoir réagir. Quand il cessa de respirer, elle continua à planter et sortir le poignard à répétitions. La petite brune sortit de la maison une heure plus tard, elle rentra dans son appartement et fixa son reflet dans le miroir sans se reconnaître. Les cheveux noirs emmêlés, décoiffés. Le regard gris, autrefois plein de vie, terne et inexpressif. Les vêtements, les mains et le visage tâchés de sang. Elle se lava, enfila une tunique grise, un pantalon noir, et de grandes bottes de la même teinte. Elle attacha une ceinture sur sa taille, dans laquelle elle glissa le couteau, qu'elle avait de nouveau nettoyé. Aya'nah s'empara d'un sac dans lequel elle mit quelques habits de rechange, son carnet, des crayons et quelques provisions de nourriture ainsi que la réserve d'argent que sa mère gardait. Elle ne pourrait pas payer le loyer, rester était inutile. La fillette quitta sa maison et partit dans les rues.

Elle passa près de cinq ans dans les bas fonds, grandissant seule, se défendant seule, se nourrissant seule. Elle enchaîna petit travail sur petit travail pour économiser de l'argent. Poster un courrier, porter des caisses, aider des marchands, attraper les souris qui vivaient dans les auberges miteuses, réparer un toit trop fragile pour supporter le poids d'un adulte. Elle gardait ses billets dans son sac, espérant un jour avoir la somme nécessaire pour rejoindre la surface. Se privant de foyer, de repas parfois, elle ne veillait qu'à accomplir son but, quitter enfin cette ville maudite. Peu après ses douze ans, elle paya son passage et vit le ciel pour la première fois. N'ayant aucune perspective d'avenir dehors, et après avoir déambuler dans l'enceinte des murs pendant quelques temps, elle prit alors la seule décision qui lui permettrait de devenir quelqu'un, et elle s'engagea dans l'armée.
 

*******

 

Aya'nah cessa de parler. Le silence se fit lourd dans le bureau. La jeune fille reporta son attention sur son supérieur, qui la fixait toujours.

- Tu ne sais rien sur ton père ?

- Pas grand chose, répondit l'adolescente, il venait de temps en temps dans la ville souterraine, sa sœur travaillait avec ma mère. Je sais qu'il s'appelle Kenny.

Un éclat de surprise traversa les yeux de Livaï.

- Kenny tu dis, et tu sais à quoi il ressemble ?

- Je ne l'ai jamais vu, mais ma mère m'a dessiné un portrait de lui, et je l'ai toujours.

- Je peux le voir ?

Aya'nah hocha la tête, quelque peu déstabilisée par l'intérêt que lui portait le caporal.

- Il est dans ma chambre, l'informa-t-elle.

Le jeune haut gradé se leva. Elle fit de même. Ils quittèrent la pièce et traversèrent les couloirs sans dire un mot. Arrivés devant la porte, la nouvelle recrue frappa, puis elle ouvrit. Mikasa était en train de lire un livre sur son lit tandis que Sasha était allongée en haut du sien, occupée à rêver. Elles furent toutes les deux surprises en voyant leur supérieur entrer à son tour dans la pièce. L'adolescente sortit son carnet de sa malle et en dégagea un papier jauni par le temps. Elle le tendit à Livaï et ce dernier le saisit avant de le fixer, légèrement interloqué.

- C'est bien lui, murmura-t-il, Kenny Ackerman.

Chapitre 5 : La famille Ackerman

Sasha regardait son supérieur sans comprendre. Mikasa s'était désintéressée de son livre et semblait concentrée sur la scène. Aya'nah avait les yeux écarquillés, elle s'était figée en entendant le murmure du jeune haut gradé. Livaï posa le portrait sur le bureau avant de plonger son regard dans celui de sa nouvelle recrue.

- Je ne suis pas surpris que tu ne connaisses pas ton nom, Kenny n'était pas du genre à parler de sa famille. Ni à être un père par ailleurs. Mais je comprends mieux pourquoi tes résultats sont aussi brillants. Tu es une Ackerman toi aussi.

Mikasa fut surprise, mais elle garda le silence.

- Caporal Chef, souffla doucement Aya'nah, qui était mon père pour vous ? Vous semblez le connaître.

Livaï recula de quelques pas et s'adossa contre la porte. Il se passa la main dans les cheveux d'un mouvement las.

- Le frère de ma mère, lâcha-t-il, et l'homme qui m'a élevé pendant les premières années de ma vie. Enfin, élevé est un bien grand mot. Il n'avait pas la fibre paternelle. Disons qu'il s'est assuré que je puisse survivre, puis il m'a laissé. Je suis désolé de te l'apprendre d'une façon aussi directe, mais il est mort il y a quelques semaines.

L'adolescente sentit ses jambes faillir, elle se laissa tomber sur son lit et se prit la tête entre les mains. Sasha se pencha, essayant de voir le visage de sa nouvelle coéquipière, mais les nombreuses mèches rebelles désertant la coiffure de cette dernière cachaient son expression.

- Aya'nah, ça va ? demanda-t-elle simplement.

- J'en sais rien, répondit la jeune fille d'une voix rauque, il y a encore une heure j'étais un soldat parmi d'autres, sans histoire particulière, et maintenant j'ai un nom, je découvre qui est mon père, j'apprends dans la foulée qu'il est mort, et qu'au passage j'appartiens à une famille réputée pour avoir été persécutée, sans oublier qu'elle est issue d'expériences avec les titans. Une famille à laquelle les deux meilleurs soldats de l'humanité appartiennent. Je... ça fait beaucoup trop d'un seul coup.

Le caporal sembla hésiter un instant, ne sachant quoi dire. Il croisa alors le regard de Mikasa qui hocha la tête pour l'inciter à réagir. Le brun s'avança et s'accroupit pour se mettre au niveau de l'adolescente. Avec lenteur, il posa une main sur son épaule, et la jeune recrue leva la tête pour sombrer dans les yeux gris de son supérieur.

- J'imagine que ça doit faire un choc, chuchota-t-il d'un ton qu'il essayait de rendre rassurant, mais dis toi que tu n'es pas seule.

Il voulut s'arrêter, mais voyant la détresse de son interlocutrice, reprit.

- Mikasa et moi, on sera là.

Il esquissa l'ombre d'un sourire dans l'optique de l'apaiser, et Aya'nah, en voyant son effort, sentit un poids se retirer de son cœur alourdi.

- Pourquoi ? questionna-t-elle néanmoins, vous me connaissez depuis à peine quelques heures, il n'y a aucune raison pour que vous réagissiez ainsi.

- J'ai déjà perdu trop de personnes autour de moi, répliqua le haut gradé en détournant les yeux, il n'est pas question que j'abandonne un autre membre de ma famille, même s'il s'agit d'une inconnue. Et puis tu es dans mon escouade à présent, c'est mon rôle de m'assurer qu'il ne t'arrive rien.

Des larmes silencieuses glissèrent le long des joues d'Aya'nah sans qu'elle puisse les retenir. Alors que sa conscience lui hurlait de rester immobile, elle ne put s'empêcher de se jeter au cou de celui qui était en réalité son cousin. Surpris par son geste, il ne réagit pas tout de suite. Puis, touché par la confiance qu'elle lui portait instinctivement, il referma lentement ses bras autour d'elle et la serra contre lui. Il songea qu'après tout ce qu'elle avait vécu, elle restait une enfant contrainte de grandir trop vite. Comme lui jadis. Au bout de quelques minutes pendant lesquelles Sasha fixait le plafond, gênée, alors que Mikasa observait les deux soldats avec un regard attendri, ils se séparèrent, échangeant un dernier sourire, celui du brun n'étant que le pâle reflet esquissé de son homologue, quant à lui éclatant. Livaï se leva alors et se dirigea vers la sortie.

- Je vais compléter ton dossier Aya'nah, et également prévenir Erwin de la situation.

Elle hocha la tête et le caporal quitta la pièce. Mikasa se leva, et à son tour, elle prit l'adolescente dans ses bras.

- Bienvenue dans la famille, Aya'nah, murmura-t-elle.

Sasha, heureuse d'assister à un moment aussi joyeux, applaudit avec un air ravi collé au visage. Elles s'installèrent ensuite sur le sol de la chambre, discutant tranquillement, et, comme elle l'avait promis, Aya'nah leur montra ses dessins. Les trois filles quittèrent leurs quartiers une heure plus tard pour aller rejoindre la salle à manger, sous les plaintes bruyantes de l'estomac de la recrue aux cheveux châtains. En entrant dans la grande pièce, elle trouvèrent les garçons, tous déjà attablés. Il ne manquait que deux personnes.

Irra, le visage reflétant toujours à quel point elle était vexée des propos de leur chef, arriva et se planta devant Aya'nah pour l'empêcher de passer, tandis que les deux autres filles s'étaient déjà assises à table. La blonde dévisagea longuement la nouvelle, puis, voyant que le caporal était absent, offrit un sourire mesquin à l'adolescente. Tout dans son attitude exprimait le besoin qu'elle ressentait de se venger sur quelqu'un.

- Voici donc le nouveau toutou de Livaï Ackerman, cracha-t-elle avec mépris. Une novice qui n'a jamais été sur le terrain. Un bébé tout juste sorti de formation. Le bataillon est si désespéré que ça pour envoyer de tels soldats dans l'élite ?

Mikasa se leva, le regard noir, mais Sasha lui prit le bras, désignant la tranquille assurance de leur nouvelle amie. L'asiatique resta toutefois debout, prête à intervenir. L'ancienne novice jeta un regard ennuyé à sa camarade, qui attentait visiblement qu'elle parle.

- Irra je présume, répondit la brune avec désinvolte, tu avais moins de gueule tout à l'heure quand tu t'es faite recadrer. Tu n'as rien de mieux à faire que de réparer ton égo brisé en t'en prenant à moi ?

Une étincelle de colère passa dans les yeux de l'insolente militaire. Elle posa une main ferme sur l'épaule de son interlocutrice.

- Fais pas la maligne, susurra-t-elle, tu viens d'arriver, alors apprends bien les règles. Ici, la meilleure, c'est moi, ne prends pas en compte la famille des expériences ratées, c'est pas des humains. Alors fais gaffe à ce que tu dis si tu veux rester en un seul morceau. Parce que t'as pas le niveau, petite.

Les membres de la cent quatrième brigade n'avaient qu'une année de plus que ceux de la cent sixième, mais l'aînée espérait ainsi intimider la soldate qui la provoquait. Aya'nah ne prit pas la peine de rétorquer. Irra eut à peine le temps de voir ses yeux gris se teinter d'une froideur effrayante que l'adolescente avait disparu de son champ de vision. Se glissant dans le dos de la blonde, la nouvelle lui retourna le bras avant de la pousser avec force. La militaire, déséquilibrée et surprise, tomba au sol sans avoir compris ce qu'il se passait. La jeune recrue allait dire avec animosité qu'elle n'appréciait pas les menaces quand une voix la devança, masculine, grave et sans réelle expression, si ce n'est un léger amusement.

- Une très mauvaise idée de s'attaquer à une Ackerman, morveuse. J'espère que ça te servira de leçon.

Livaï se tenait devant la porte. Il passa devant Irra sans la regarder et se tourna vers la table depuis laquelle tous, sauf les deux filles, le regardait avec des yeux ronds.

- Arrêtez de me fixer comme des demeurés, soupira-t-il d'un air las.

Il daigna jeter un œil vers la blonde qui se remettait debout en essayant de ne pas oublier à terre ce qui lui restait de fierté. Il tourna de nouveau son attention sur le groupe, pendant qu'Aya'nah se plaçait à ses côtés.

- Je comptais l'annoncer ce soir, lança Livaï avec nonchalance, il se trouve qu'après avoir discuté avec notre nouvelle recrue, nous avons découvert qu'elle est la fille de Kenny. Nous accueillons donc dans l'escouade Aya'nah Ackerman, ma cousine.

Chapitre 6 : Discussions au sein de la capitale

Aya'nah se tenait droite, jambe gauche légèrement fléchie en arrière, l'autre tendue en avant, le regard concentré. Mikasa lui faisait face, elle aussi en garde et les iris braqués sur elle. A quelques mètres, assis dans l'herbe, le reste de l'escouade gardait le silence, par peur de manquer l'instant fatidique où l'immobilité cesserait pour laisser place au combat. Sasha maintenait contre sa joue un morceau de tissu froid pour apaiser la douleur, vestige de son duel contre Irra. La blonde lui jetait des coups d'œil teintés de fierté tout en restant attentive à la scène. Les membres de l'élite avaient décidé d'organiser des combats au corps à corps pour s'exercer et se distraire pendant l'absence de leur supérieur. Ce dernier, appelé à la capitale par Historia, Erwin et Zackley pour des réunions militaires et politiques de haute importance, avait laissé le commandement du groupe à Armin et Jean, les deux soldats qu'il jugeait les plus aptes à diriger l'escouade.

Une bourrasque de vent fit voler les mèches courtes de l'asiatique. Elle décida de passer à l'action et se précipita sur Aya'nah. Son poing frappa vers la joue de la jeune fille. Efficace, précis, rapide. Mais il ne fit qu'effleurer sa cible. D'un vif mouvement de bassin, l'adolescente s'était dégagée de la trajectoire du coup et l'avait évité sans peine. Du plat de la main, elle contre attaqua en essayant de frapper les côtes de sa camarade. Celle ci esquiva l'offensive avec souplesse avant de revenir à la charge, visant cette fois l'abdomen. La brune fit jouer les limites de sa colonne vertébrale en se cambrant vers l'arrière. Elle leva ses bras au dessus d'elle pour se maintenir au sol et jeta sa jambe droite vers la militaire qui recula rapidement pour ne pas être touchée. Aya'nah se remit sur ses pieds d'un geste fluide et courut vers Mikasa. Celle ci attendit calmement, un air attentif sur le visage, teinté d'une tranquille assurance. La nouvelle recrue savait qu'elle affrontait une adversaire redoutable. Une fois qu'elle fut suffisamment proche, elle se pencha sur le côté, prenant appui fixe sur sa gauche et lança une nouvelle fois sa jambe droite pour atteindre le creux surplombant les hanches de l'asiatique. Cette dernière para le coup en plaçant ses avant-bras devant elle. Avec une grande vivacité, elle attrapa la cheville de son assaillante pour l'immobiliser. L'adolescente poussa sur le talon qui était à terre et effectua un demi tour sur elle même, à l'horizontal, pour frapper la jeune fille de son autre jambe. Celle ci n'eut pas d'autre choix que de libérer son emprise pour éviter l'attaque. Immédiatement, Aya'nah se redressa de toute sa hauteur tandis que ses mains se posaient au sol, elle tendit à la perfection son corps, l'alignement de ses membres avec son buste totalement vertical, avant de faire basculer son poids en arrière et ainsi, atterrir souplement et se remettre debout. Mikasa profita des quelques secondes qu'il lui avait fallu pour exécuter ce mouvement, elle se précipita de nouveau vers elle. La militaire se ramassa sur le terrain pour esquiver l'offensive, puis elle fit tourner ses membres inférieurs et visa les chevilles de sa camarade pour lui faire perdre son équilibre. L'asiatique sauta légèrement, loin d'être déstabilisée par sa tentative. Elles se remirent face à face, observant leurs gestes, essayant de débusquer leurs failles, admirant leurs forces respectives. Les deux Ackerman dansèrent ainsi pendant trente longues et énergiques minutes, échangeant attaques sur attaques dans une symbiose parfaite, sans jamais parvenir à se toucher. Elles se survolaient continuellement, se frôlaient constamment sans réels impacts. D'un accord commun, elle se stoppèrent, à quelques centimètres l'une de l'autre, après un dernier contact raté. Le souffle accéléré par l'effort, elles se sourirent.

A leurs côtés, leurs acolytes les fixaient, stupéfaits. Ils venaient d'assister à un spectacle sublime. Aucun d'eux n'aurait échangé sa place pour être ailleurs. Même Irra, aussi arrogante soit-elle, ne pouvait s'empêcher de les regarder avec admiration. Ils décidèrent d'en rester là et de rentrer dans le manoir, partageant leurs commentaires sur cet ultime affrontement qui avait été impressionnant. Aya'nah profita de l'ambiance euphorique qui régnait parmi ses camarades pour s'éclipser discrètement du groupe. Elle n'avait qu'une envie, prendre une douche froide afin de se rafraichir après une activité aussi intense.
 

*******

 

Livaï approcha le gobelet de ses lèvres et but une gorgée de thé brûlant, savourant le goût de la boisson. Il était assis dans un fauteuil, face à la reine Historia. La petite blonde le regardait fixement, hésitante. Le jeune haut gradé l'avait bien remarqué depuis plusieurs minutes, mais il gardait le silence.

- Si tu as envie de dire un truc gamine, te gêne pas, finit-il par lâcher avec désinvolte.

Elle sourit. Son entourage avait changé d'attitude envers elle, la considérant dorénavant avec plus d'égards et de respect, de par son couronnement et sa nouvelle condition. Mais Livaï, lui, n'avait rien modifié dans son comportement, et elle appréciait cela. Ainsi, elle avait toujours l'impression d'être la même que lorsqu'elle était membre du bataillon d'exploration.

- Je me demandais, commença-t-elle doucement, quelles raisons t'avaient poussé à défendre mon projet avec tant d'ardeur.

Le caporal soupira. Il posa son verre vide sur la table basse et se passa une main lasse dans les cheveux avant de croiser les bras sur sa poitrine. Il plongea son regard gris dans celui d'Historia.

- Est ce que ça t'intéresse tant que ça ?

- Je crains que oui, Caporal.

Il détourna les yeux pour admirer le ciel à travers la fenêtre qui se situait à sa gauche. La blonde ne renchérit pas, lui laissant le temps de parler.

- Il n'y a pas énormément de personnes qui connaissent mon passé, murmura Livaï de sa voix grave et posée, à vrai dire, c'est pas vraiment un sujet qui incite à la fierté, mais avec la nouvelle liberté de la presse, et le goût de la populace pour les ragots, je pense que ça va vite se savoir.

Il grimaça légèrement.

- Si tu veux tout connaître, je viens des bas fonds. Ouais, là où le taux de criminalité est aussi fort que celui de la crasse. J'y suis né, et j'y ai vécu jusqu'à entrer dans le bataillon. Ma mère est morte quand j'étais gosse, j'ai pas passé une enfance de rêve. Alors t'imagines bien que ton projet d'investir dans un recueil à la surface pour tous les mômes délaissés, notamment ceux de la ville souterraine, je ne peux qu'approuver.

Il se tourna de nouveau pour rencontrer les iris bleus de la jeune fille. Celle ci le gratifia d'un sourire sincère.

- Merci beaucoup pour ton soutien, grâce à toi, ce projet va voir le jour.

- De rien Historia.

La porte s'ouvrit à cet instant et Erwin entra dans le salon. Il s'arrêta à quelques mètres d'eux et plaça son poing sur son cœur.

- Navré de vous interrompre Majesté, mais je dois m'entretenir avec Livaï.

Historia balaya la remarque d'un geste de la main avant de se lever de son fauteuil.

- Aucun problème Major, nous avions terminé notre conversation.

Elle quitta simplement la pièce, laissant les deux militaires entre eux. Le caporal se leva et se rapprocha de son ami, qui le regardait en silence.

- Et bien Erwin, que veux tu ? questionna le plus petit en plongeant ses yeux dans ceux de son interlocuteur.

- Je songe depuis quelques temps à préparer une nouvelle expédition à Shiganshina. Pas tout de suite évidemment, mais lorsqu'Eren sera capable de contrôler son pouvoir de solidification, nous devrons tenter de reprendre le mur.

Livaï hocha la tête.

- Ouais, ça semble faisable. Il faudrait qu'Hanji puisse l'aider à s'entraîner.

Il haussa légèrement un sourcil.

- D'ailleurs, ça fait longtemps que je l'ai pas vue la binoclarde, elle fait quoi ?

- Hanji et plusieurs scientifiques travaillent sur de nouvelles armes, l'informa le blond, contre les titans, mais aussi contre les humains dotés du pouvoir de se transformer.

- Je vois, renchérit le caporal, en gros, elle n'a pas bien pris notre impuissance lorsqu'on s'est retrouvés face à Reiner et Bertolt, c'est ça ?

- Tout juste.

Le commandant du bataillon d'exploration fit demi tour et se dirigea vers la porte. Il posa la main sur la poignée et tourna la tête vers son ami.

- Suis moi Livaï, je vais te conduire à Hanji, ensuite vous partirez tous les deux vers le QG de ton escouade pour entraîner Eren et préparer ton équipe.

- Entendu Erwin, accepta le brun.

Il quitta à son tour la pièce et suivit son supérieur dans les couloirs.

Chapitre 7 : Les deux vétérans du bataillon d'exploration

Hanji ne put s'empêcher de pousser une exclamation de joie, faisant sursauter les scientifiques qui travaillaient près d'elle. Son appareil semblait enfin terminé, et il fonctionnait à merveille. Certes, il ne s'agissait que d'un prototype miniature d'une arme future, mais l'avoir achevé relevait déjà un succès en soi. Un grand sourire naquit sur ses lèvres quand la porte du laboratoire s'ouvrit sur Erwin. Il entra dans la pièce et un mouvement derrière son épaule attira l'attention de la jeune femme. Des cheveux sombres et une expression blasée sur le visage, elle reconnut sans peine Livaï lorsqu'il se décala pour se mettre aux côtés du major.

- Tu as l'air de bonne humeur, Hanji, supposa le blond en s'arrêtant en face d'elle.

- Surprenant, commenta Livaï d'un ton sarcastique tout en s'adossant au mur avec sa nonchalance habituelle.

- En effet Erwin, mon invention est enfin opérationnelle, répondit la militaire en désignant la machine sur la table, il ne me reste plus qu'à l'envoyer avec les plans à Trost pour que la construction commence.

Le commandant du bataillon d'exploration s'approcha pour admirer la conception de la scientifique. Il leva les yeux vers elle et lui adressa un sourire chaleureux.

- C'est du bon travail, la félicita-t-il. Et pour les lances, qu'est ce que ça donne ?

- J'ai avancé en grande partie sur le projet, mais j'ai confié les dernières étapes à mes collègues, informa Hanji en désignant les autres personnes présentes dans la salle, tout devrait être bouclé d'ici peu.

L'homme hocha la tête, satisfait.

- Très bien, tu vas donc pouvoir suivre Livaï jusqu'au manoir qui héberge son escouade. Ta mission principale est maintenant d'entraîner Eren à maîtriser son pouvoir de solidification en vue d'une expédition pour atteindre Shiganshina.

- Entendu Erwin, de toute manière, il fallait que je m'occupe de ça, mon arme ne pourra être installée qu'avec l'aide d'Eren. Je lui ai déjà préparé un programme intensif.

- Alors c'est décidé, conclut le major, Livaï et toi partirez de la capitale dès demain. Je vais aller prévenir les écuries pour que vos montures soient prêtes à l'aube. Ainsi, vous devriez arriver dans la soirée.

Les deux concernés acquiescèrent. Erwin n'attendit pas plus longtemps et il quitta le laboratoire. Livaï s'approcha d'Hanji et laissa son regard dériver vers sa création. Il leva ensuite les yeux et les plongea dans ceux de sa camarade.

- Comment va ton épaule ? demanda-il.

La scientifique parut d'abord surprise de la question soudaine, puis elle sourit doucement. Derrière son attitude froide et distante, elle savait que son ami l'estimait, et qu'il s'était inquiété lorsque, face aux brigades centrales, elle avait été blessée.

- La plaie s'est complètement refermée, et je ne ressens plus aucune douleur.

Une lueur passa dans les yeux gris de son interlocuteur. Il semblait soulagé. Mais ce sentiment, visible sur son visage, laissa vite place à l'air inexpressif qu'il arborait plus communément.

- Ok, bon je te laisse avec ton bordel, ne sois pas en retard demain.

Il se dirigea vers la porte et l'ouvrit avant de tourner la tête vers Hanji, qui s'attablait déjà autour d'une nouvelle machine.

- Hey, la binoclarde ?

La jeune femme leva les yeux vers lui.

- Arrête de te surmener. Ton travail ne va pas disparaître, alors repose toi, j'ai pas envie que tu me claques entre les mains.

Il sortit sans plus de cérémonie.
 

*******

 

Les deux soldats chevauchaient en silence. Comme convenu, ils étaient partis à l'aube. Commençant par un galop efficace pour couvrir le plus de distance, ils avaient ralenti l'allure lorsque le soleil avait atteint son zénith. Les heures défilèrent rapidement et l'orbe brûlante commençait lentement à disparaître dans l'horizon. Livaï était perdu dans ses pensées, tout en admirant le ciel, depuis déjà de nombreuses minutes, ce qui n'avait pas échappé à la scientifique. Elle ne dit rien, soucieuse de ne pas interférer dans une réflexion aussi profonde, mais se mordit la lèvre, la curiosité tenaillant son être. Après une demi heure de lutte, elle abandonna.

- Tu sembles bien pensif, lâcha-t-elle simplement.

Fidèle à lui même, le jeune haut gradé ne montra de sa surprise qu'un haussement de sourcil. Ses yeux acier, alors perdus dans leur contemplation, vinrent se vriller dans ceux de sa camarade.

- Fine observation Hanji.

- A quoi cogitais-tu ? renchérit la militaire, qui n'essayait pas de cacher son intérêt.

Le brun soupira, puis, sachant qu'elle ne le laisserait pas en paix tant qu'il ne lui aurait pas révélé le secret de ses songes, il répondit tout en parcourant la route du regard.

- A Kenny. Il avait beau dire qu'il n'avait pas la fibre paternelle, il a été suffisamment proche de sa famille pour prendre régulièrement des nouvelles de sa sœur et pour s'occuper de moi quand elle est morte.

Il jeta un bref coup d'œil sur la jeune femme, qui le fixait sans dire un mot. Il comprit qu'il devait continuer.

- Alors je me demandais si derrière son caractère antipathique, il avait quand même été fier de moi à sa façon. Et aussi, s'il l'aurait été s'il avait su que sa fille était aujourd'hui une adolescente dotée d'une force remarquable et membre de l'élite du bataillon.

Il avait soufflé cette tirade avec sa désinvolte naturelle sans prêter attention à l'air étonné de la chef d'escouade. Ce fut lorsqu'elle cria qu'il tourna la tête vers elle et croisa ses yeux écarquillés.

- Hein ?! Comment ça la fille de Kenny ?!

Livaï ne put s'empêcher de pousser un long soupir exaspéré. Il l'informa néanmoins.

- A force de rester dans ton laboratoire, tu finis par oublier de communiquer avec les autres, abrutie. Il y a quelques temps une nouvelle recrue de la cent sixième brigade a été envoyée par Erwin dans mon escouade à cause de son dossier excellent.

Il prit ensuite le temps de conter à son amie sa rencontre avec Aya'nah, et la façon dont ils avaient tous deux appris leur lien de parenté. Hanji passa les vingt minutes suivantes à s'extasier, clamant que c'était formidable qu'il retrouve un peu de famille, en plus de Mikasa, et s’enthousiasma à l'idée de rencontrer cette jeune fille. Las, le jeune haut gradé la laissa parler toute seule et reprit le fil de ses pensées qu'elle avait grossièrement interrompu plus tôt.
 

*******

 

La nuit était tombée depuis quelques heures quand les deux cavaliers entrèrent dans le domaine du manoir. Le bâtiment ne laissait pas entrevoir de lumière, et les hauts gradés déduisirent que les militaires devaient être dans leurs chambres, probablement en train de dormir. Ils menèrent silencieusement leurs montures à l'écurie puis entrèrent dans l'édifice. Le calme était apaisant, et le seul son qu'ils entendaient était celui de leurs pas dans les couloirs. Toutefois, une faible lueur s'éleva depuis le salon, accompagnée de voix basses et paisibles. Livaï haussa un sourcil. Il connaissait bien son escouade et était surpris d'une telle discrétion, un terme auquel il n'était pas habitué avec eux tant l'ambiance était électrique entre les adolescents. Sans se concerter, lui et Hanji s'approchèrent de la pièce et en ouvrirent la porte. Ils découvrirent Jean, calé sur une chaise, en pleine conversation avec Aya'nah, quant à elle assise en tailleur sur la table. A leur entrée, les deux soldats se tournèrent vers eux et les saluèrent d'un sourire.

- Bonsoir Caporal Chef, bonsoir Hanji, dit tranquillement le jeune homme pendant que les deux hauts gradés s'avançaient dans la salle.

- Où sont les autres ? demanda Livaï.

- Partis dormir, Caporal Chef, répondit la brune.

- Et pas vous ? continua-t-il.

- J'ai croisé Aya' dans les couloirs, l'informa Jean, j'étais sorti boire un verre d'eau quand je l'ai vue.

Livaï dirigea son attention vers la jeune fille qui sourit d'un air gêné.

- Je suis régulièrement prise d'insomnies, comme je ne voulais pas déranger les filles qui dormaient, je suis sortie marcher un peu.

Le chef d'escouade ouvrit la bouche pour parler mais il fut devancé.

- C'est donc toi la fameuse Aya'nah Ackerman ? demanda Hanji avec enthousiasme tout en fixant l'adolescente de ses grands yeux curieux, ce qui n'arrangeait pas l'embarras de cette dernière.

- Euh, oui c'est moi, confirma-t-elle d'une voix timide.

Le jeune haut gradé remarqua que sa soldate semblait mal à l'aise face à un tel intérêt, aussi décida-t-il de venir à son secours.

- C'est pas le moment Hanji, tu feras les présentations demain. Pour l'instant, Jean et Aya'nah, allez vous coucher, vous devez être debout à l'aube pour continuer votre entraînement en vue des prochaines expéditions. Vous êtes dans l'élite à présent, vous avez un rôle important à jouer.

- Oui, Caporal Chef, acquiescèrent les deux recrues d'une même voix.

Ils quittèrent la pièce, laissant leurs deux supérieurs seuls. Un bref silence s'installa avant que la scientifique ne reprenne la parole.

- Ils ont l'air de bien s'entendre ces deux là, murmura-t-elle d'un air distrait, tant mieux, plus vite elle s'intégrera, plus efficace sera sa coordination avec l'équipe.

Livaï ne répondit rien, de nouveau plongé dans ses pensées.

Chapitre 8 : Inquiétude nocturne

Lorsque le soleil se leva, tous les habitants du manoir étaient déjà réunis dans le salon, assis autour de la grande table, attentifs aux paroles des deux vétérans qui les supervisaient. Ces derniers exposèrent les informations reçues lors de leur séjour dans la capitale. Le projet d'Erwin d'atteindre Shiganshina lors d'une expédition future, les armes d'Hanji, le programme intensif qu'elle destinait à Eren et celui que le caporal avait prévu pour renforcer son escouade. Les adolescents étaient motivés, tous étaient prêts à donner leur maximum. Aussi, dès la fin de la réunion, Hanji et Eren partirent tous les deux à cheval dans une carrière éloignée pour travailler les pouvoirs de titan du jeune homme, tandis que Livaï emmenait les autres dans le grand jardin situé derrière le bâtiment. Il commença par travailler leur endurance en les faisant courir, puis il perfectionna leurs techniques de combat au corps à corps avant de les exercer à la manœuvre tridimensionnelle. Les membres de la cent quatrième brigade se sentirent nostalgiques de leurs années au centre de formation, où ils avaient pratiqué les mêmes exercices. Pour Aya'nah, qui avait fini son apprentissage récemment, ce ne fut que la reprise d'une routine qu'elle suivait depuis longtemps.

Les journées défilèrent ainsi, tandis que l'élite développait ses capacités comme ses méthodes de travail collectif. La nouvelle recrue s'était bien intégrée et semblait avoir toujours fait partie de ce groupe, ce qui améliorait la coordination fluide de l'équipe. Elle comblait son manque d'expérience par les conseils qu'elle recevait et sa faculté naturelle d'adaptation à chaque situation imposée. Eren, quant à lui, était épuisé par son entraînement. Le jeune homme jonglait entre les séances avec Livaï et celles, encore plus intensives, aux côtés de la scientifique. Il avait un rôle très important au sein du bataillon, et devait progresser en tant que soldat comme en tant que Titan Assaillant. Irra, derrière son caractère détestable, se révélait être un élément moteur de l'escouade, et si elle ne s'entendait pas avec ses camarades, aucun d'eux n'hésiterait à lui confier sa vie si nécessaire, et réciproquement. Lorsque venait l'heure d'être sérieux, elle mettait de côté sa rancœur et usait de ses formidables capacités pour remplir sa mission. Raison pour laquelle Livaï la gardait, malgré son insolence régulière. Un après midi, alors qu'Hanji et Eren étaient de nouveau partis pour leurs exercices, Livaï fit travailler les arts martiaux à son escouade. Maintenant qu'il savait que derrière les titans se trouvaient d'autres êtres humains, hostiles à ceux vivant au sein des remparts, il ne délaissait plus le combat et préférait ne pas privilégier la tridimensionnalité. Ainsi, il organisa différents duels entre les différents adolescents pour que chacun puisse travailler ses forces et ses faiblesses. Le caporal plaça Mikasa avec Irra, pour que celle ci puisse se surpasser ; Armin avec Sasha, dans le but que le jeune homme travaille sa force en se confrontant à la souplesse de l'adolescente et que cette dernière use de plus de tactique face à l'esprit redoutable du blond ; et Jean avec Connie dans l'espoir que le second améliore son sérieux dans un combat contre un soldat de la trempe du militaire aux cheveux bicolores. Aya'nah attendit en silence qu'il finisse de donner ses directives, elle savait qu'elle ne serait pas oubliée mais n'avait aucune idée de ce qu'elle allait faire. Peut être son supérieur attendait-il la fin des exercices pour changer les rôles et laisser sur le côté une nouvelle personne. Après tout, ils n'étaient que sept en l'absence d'Eren, et un combat à trois, bien qu'intéressant, serait plus brouillon, ce qui contrastait avec l'objectif du haut gradé, qui était clairement de perfectionner la précision de leurs méthodes. Le brun lança le début des duels avant de se tourner vers la jeune Ackerman. Il s'éloigna de quelques mètres des groupes formés et lui fit signe d'approcher, ordre qu'elle exécuta sans tarder. Une fois qu'elle fut en face de lui, il lui expliqua.

- Puisque vous êtes en nombre impair, tu vas t'entraîner avec moi.

Il sembla voir la surprise, teintée d'un soupçon d'inquiétude, dans les yeux gris de sa cousine et reprit.

- Ce sera un bon moyen pour moi de situer avec exactitude tes capacités, bien que je t'ai déjà vue à l'œuvre les jours précédents. Je vais adapter mes coups en fonction de ton niveau donc sois tranquille.

Aya'nah hocha la tête et se mit en garde, ses iris désormais fixés sur Livaï avec un air concentré sur le visage. L'expression de son adversaire était comme toujours indéchiffrable, mais il était lui aussi en position de combat. En voyant son immobilité, la brune déduisit qu'il la laissait attaquer. Prenant appui sur ses pieds, la jeune fille se propulsa vers lui, et lorsqu'elle fut suffisamment proche, elle leva avec vivacité son genou gauche pour lui porter un coup dans les côtes. Le caporal évita l'offensive d'un mouvement fluide avant de jeter son poing vers elle. Elle se déroba au dernier moment mais ne put esquiver à la jambe tendue de son supérieur qui faucha son équilibre. Tombant au sol, elle vit l'ombre des phalanges contractées du militaire descendre vers sa tête. Elle roula sur le côté et le poing de son adversaire s'écrasa dans le sol, y laissant une lourde marque. Aya'nah retint sa respiration quand son regard se figea sur la trace. Elle prit de nouveau conscience qu'elle affrontait un homme inégalable, et qu'elle devait se surpasser, qu'il mesure sa force ou non. Ses yeux se voilèrent d'une concentration dure tandis que son visage se fermait, témoignant du sang froid qui s'emparait d'elle. Elle se remit debout avec souplesse et sonda l'attitude de son partenaire. Livaï la fixait d'un air neutre, mais intéressé. Lui aussi l'étudiait. L'adolescente se précipita vers lui, feintant un coup à la mâchoire mais au dernier moment, elle fit basculer son bassin, posa les mains au sol et lança ses jambes en l'air, talon droit tendu vers la poitrine du jeune haut gradé. Ce dernier attrapa le membre inférieur de ses deux mains et bloqua l'offensive d'une poigne ferme. Mais Aya'nah ne se laissa pas impressionner et remonta son second pied. Elle frappa de toute sa puissance contre le torse de son supérieur, qui subit l'attaque sans pour autant paraître déstabilisé. Il immobilisa simplement la soldate. Consciente de sa situation, la brune profita d'avoir ses genoux sur les épaules de son adversaire pour se maintenir et d'un vif mouvement, elle lâcha le sol et remonta avec son buste pour croiser le regard gris acier du caporal. De toute la force qu'elle pouvait utiliser, elle cogna son front contre celui du haut gradé qui dut la lâcher sous la violence du coup. L'adolescente tomba à terre et se remit sur pieds, tandis que face à elle, Livaï se remettait en garde. Ils se regardèrent et cette fois, ce fut lui qui attaqua. Ils enchaînèrent les offensives avec fluidité. Aya'nah se rendait bien compte qu'il n'utilisait pas l'intégralité de ses capacités, mais il usait du nécessaire pour qu'elle, surpasse les siennes. Le combat dura ainsi pendant le reste de l'après-midi. Les autres membres de l'escouade avaient cessé de travailler lorsque le soleil avait commencé sa descente vers l'horizon et tous regardaient leur chef entraîner la jeune recrue. Ils s'arrêtèrent enfin, la jeune fille en sueur, essoufflée, mais satisfaite. Le brun lui ne donnait pas l'impression de s'être battu, personne n'aurait deviné qu'il venait de s'entraîner tant il paraissait en forme. Si ce n'est sa respiration qui était plus rapide que d'habitude et la très légère transpiration qui ressortait sur sa peau, son allure était impeccable.

- Qui vous a autorisé à arrêter l'exercice ? demanda le caporal en regardant les spectateurs, un sourcil haussé.

Les adolescents ne répondirent pas, échangeant des regards embarrassés. Connie finit par ouvrir la bouche pour une explication mais leur supérieur leva la main pour lui intimer le silence.

- C'est bon, continua-t-il simplement, c'est terminé pour aujourd'hui. Vous aurez une journée de libre demain, le temps que je fasse le point avec Hanji sur l'entraînement d'Eren. Allez vous doucher maintenant, et ne dégueulassez pas le manoir où je vous le refait nettoyer dans son intégralité.

Les soldats se dirigèrent pour partir quand le caporal reprit.

- Aya'nah, attends un instant.

La jeune fille se tourna vers lui et laissa ses camarades quitter le jardin. Livaï s'approcha et commença à faire le bilan de leur combat, il la félicita pour ses points forts, lista les faiblesses qu'elle devait travailler et lui expliqua comment progresser pour améliorer sa technique. Il continua à lui parler de sa méthode pendant qu'ils entraient dans le bâtiment. Ils s'arrêtèrent dans un couloir et la brune le remercia. Ils se séparèrent, elle rejoignant sa chambre, lui prenant l'escalier qui menait à ses quartiers.

La soirée passa tranquillement et les adolescents, se réunirent sur le gigantesque balcon de l'édifice, parlant de tout ce qui leur passait dans la tête. Aya'nah rigolait devant les bêtises de Connie et Sasha, qui, ensemble, formaient un merveilleux duo, duquel se dégageait la belle amitié qui les liait. Jean et Eren se défiaient continuellement, mais avec humour, sous les regards respectivement protecteur et amusé de Mikasa et Armin. Irra, quant à elle, était partie après quelques heures en leur compagnie, très peu complice avec le reste du groupe. Elle avait toutefois été bien plus sympathique que de coutume lors de sa présence, et aucune dispute n'avait éclaté. La nuit était tombée depuis quelques heures quand les jeunes soldats décidèrent de rejoindre leurs chambres. Échangeant quelques dernières paroles, ils quittèrent le balcon. Jean, qui écoutait Sasha prédire le repas du lendemain tout en marchant, se tourna pour regarder le ciel avant de fermer la porte. Ses yeux tombèrent sur Aya'nah, qui n'avait pas suivi le groupe et s'était assise sur la large rambarde, face au paysage nocturne qui s'offrait devant elle. Le jeune homme remarqua que les autres, dont la gourmande et ses divinations, ne l'avaient pas attendu, et n'avaient pas non plus remarqué l'absence de la cadette de l'escouade. Il alla alors de nouveau sur le balcon et s'assit à côté de son amie.

- Tu vas bien ? demanda Jean, soucieux devant la mine sérieuse de la brune.

- Oui, répondit-elle, je réfléchis juste.

Le soldat fut soulagé, il ne désirait pas qu'elle soit tracassée par quoi que ce soit. En effet, si la jeune fille s'était bien intégrée à l'escouade, c'était avec lui qu'elle s'entendait le mieux. Les deux adolescents avaient senti leur amitié naître avec une réelle fluidité et un naturel qu'ils n'avaient pas cherché à contrôler. En peu de temps, ils s'étaient beaucoup rapprochés et n'hésitaient pas à se confier l'un à l'autre. Ce fut lors d'une nuit d'insomnie, la même que celle du retour de leurs deux supérieurs, qu'ils avaient partagé leurs passés respectifs. Jean avait été touché par celui d'Aya'nah, et inconsciemment, il s'était juré de ne plus la laisser vivre de telles horreurs.

- Et à quoi réfléchis tu ? questionna le militaire.

- A l'expédition prévue, murmura la brune dans un souffle presque inaudible.

Elle tourna la tête vers lui.

- Tu crois que je survivrai ? Je n'ai jamais vu de titans, je n'ai pas d'expérience, j'ai un peu peur d'être un boulet dans l'escouade...

Jean faillit crier qu'elle n'avait pas le droit de dire ça, et même qu'elle avait interdiction formelle de mourir. Mais il connaissait la jeune fille et savait qu'il ne fallait pas s'y prendre ainsi avec elle. Aussi, se contenta-t-il de lui donner un léger coup sur le bras avant de répondre.

- Toi, être un boulet ? Alors que cet après midi encore tu tenais tête à notre surhomme préféré au corps à corps ?

- Il contrôlait ses coups et sa force, protesta l'adolescente.

Jean soupira.

- T'en fais pas Aya', t'es douée, et on travaillera ensemble, tout se passera bien.

Il fit une pause, puis reprit.

- Il ne t'arrivera rien, je te le promets.

Il vit son amie sourire dans la nuit. Elle posa sa tête doucement sur l'épaule du jeune homme et celui ci passa sa main dans les cheveux noirs de sa camarade dans un geste affectif.

- Merci, souffla-t-elle.

Ils restèrent ainsi, en silence, pendant une longue heure. Aucun d'eux ne voulait mettre un terme à ce moment. Jean finit par sentir la fatigue le gagner, et à contre cœur, il laissa la jeune fille pour rejoindre son lit. Aya'nah, encore une fois, ne réussit pas à trouver le sommeil dans l'ensemble de sensations qui vivaient actuellement en elle. Sa peur avait été tassée par les propos de son ami, mais au fond d'elle résonnaient une multitude de pensées et émotions, qui pourtant ne se manifestaient pas à l'extérieur. Elle resta immobile sur la rambarde pendant plusieurs heures, son insomnie comblant le temps. Perdue dans ses songes, elle écoutait tranquillement l'absence nocturne de bruits qui l'entourait. C'est pourquoi elle sursauta quand un mouvement derrière elle brusqua sa paisible réflexion.

Chapitre 9 : Trost

Aya'nah sursauta avant de se retourner, les yeux inquiets. Elle s'apaisa immédiatement en voyant qui se tenait dans son dos.

- Je t'ai fait peur ? demanda Livaï.

- J'ai été surprise, je ne m'attendais pas à vous voir.

Il ne répondit pas et vint s'assoir là où Jean se tenait quelques heures plus tôt. Le haut gradé la regarda.

- Encore une insomnie je présume, tu en fais souvent ?

- Je ne compte plus, murmura l'adolescente en admirant la voûte céleste.

Il hocha la tête et fixa à son tour les étoiles. Sa voix grave devint un souffle dans la nuit.

- On ne les voyait jamais en bas.

La jeune fille comprit immédiatement à quoi son supérieur faisait référence. La ville souterraine. Souvenir inoubliable que chacun voudrait pourtant oublier. Souffrance y est le maître mot. Elle frissonna en se rappelant la misère de ce lieu qui l'avait vue naître. Cela n'échappa pas au caporal.

- C'est terminé Aya'nah, tu n'y retourneras plus.

Il fit une pause.

- On n'y retourna plus.

Le silence s'infiltra de nouveau entre eux. Communicatif malgré les apparences. Sans parler, ils échangeaient beaucoup. La douleur de leur passé, les êtres chers perdus, la violence et l'horreur d'une vie similaire, la stabilité trouvée et la beauté des étoiles. Le nom Ackerman n'était pas leur seul point commun, ils le savaient tous les deux.
 

*******

 

Aya'nah jeta un coup d'œil derrière elle. Eren, Jean et Armin étaient posés contre la barrière, ils regardaient Historia courir derrière les enfants tout en discutant. La jeune fille sourit avant de reprendre sa tâche, à savoir transporter des caisses de fournitures dans les bâtiments pour les ranger. L'escouade d'élite était arrivée à Trost il y a peu, et la souveraine avait demandé de l'aide à ses amis pour la réalisation de son projet, qui consistait à la création d'un refuge pour les orphelins. Immédiatement, les soldats avaient accepté. L'adolescente entreposa sa charge dans l'édifice avant de sortir chercher un nouveau cageot. A la différence de Sasha et Mikasa, qui travaillaient tout en tenant compagnie aux enfants, la jeune fille restait à l'écart. Elle n'avait rien contre eux, au contraire, elle les appréciait beaucoup, mais en les voyant, elle ne pouvait s'empêcher de songer à ses origines, et l'heure n'était pas aux mauvais souvenirs.
 

*******

 

Quelques soldats ainsi que plusieurs journalistes étaient postés en haut du mur, fixant avec anxiété la construction nouvellement installée. Le projet d'Hanji était enfin terminé, il ne restait plus qu'à vérifier s'il fonctionnait. Un titan s'approcha de la machine, attiré par un militaire. Ce dernier avait été volontaire pour servir d'appât. Concentré, les traits du visage témoignant une légère appréhension, il laissa le monstre le suivre jusqu'au dernier moment. L'arme s'activa et la poutre de bois se renversa, écrasant la nuque du géant avec violence. Depuis les hauteurs, le groupe se pencha pour observer le résultat. La fumée s'élevant doucement du corps ne permit pas le moindre doute. Tous hurlèrent de joie face au succès de l'invention de la scientifique. Celle ci sauta en l'air tant elle était fière de sa réussite.

- Exactement comme je l'avais prévu ! s'exclama la jeune femme avec un air motivé. Nous allons pouvoir vaincre les titans sans nous exposer directement au danger ! Plus besoin de canons ni de munitions, ce système est optimal ! On va les trucider nuit et jour non stop, sans jamais ralentir la cadence ! Le piège de la mort !

Toujours aussi enthousiaste, la soldate sautilla vers les représentants de la presse, tandis que ces derniers sortaient leurs carnets avec des gestes fébriles et impatients.

- Messieurs les journalistes, à vos plumes ! C'est une grande nouvelle pour l'humanité ! Diffusez ! Propagez ! Le scoop est à vous !

Avec la même énergie, Hanji se tourna vers la personne sans qui sa création n'aurait pas été possible.

- Excellent boulot, Eren ! le félicita-t-elle. Il n'y a plus qu'à remettre ça et en installer partout dans les autres bastions !

Elle cessa de parler quand elle vit le jeune homme à genoux, une main sur le visage qui tentait de stopper le flot de sang s'écoulant de son nez. Livaï était accroupi en face de lui et lui tendait un mouchoir.

- Eren ?! s'alarma la scientifique.

- Il a utilisé son pouvoir plus que de raison, visiblement, affirma le haut gradé en maintenant son attention sur l'adolescent. Le programme auquel tu l'as soumis était sans doute un poil trop intensif. Mieux vaudrait se mettre dans la tête qu'il ne peut pas produire de la roche à volonté.

Le brun marqua une courte pause avant de poursuivre.

- Et que son organisme aussi a des limites à ne pas dépasser.

La jeune femme culpabilisa.

- Pardon, Eren, souffla-t-elle.

- Inutile de vous excuser, Hanji, protesta ce dernier. C'est rien du tout, juste un petit coup de fatigue. Cette arme qu'on a mise au point est fabuleuse. Il faut en mettre partout. Avec elle, on peut mettre les titans hors d'état de nuire sans courir le risque de finir entre leurs mâchoires ! Il ne reste plus qu'à reboucher le mur Maria. On pourra alors les traquer... Et supprimer jusqu'au dernier tous ceux qui rôdent dans le secteur.

Le regard d'Eren se fit soudainement très froid et déterminé.

- Dépêchons nous de rassembler tout le matériel nécessaire... Et en route pour Shiganshina !
 

*******

 

Le silence se fit pesant dans la pièce. Les hauts gradés de l'armée étaient réunis depuis déjà un moment afin d'aborder le sujet, pour l'instant gardé secret, de l'unique injection restante. Celle qui avait la capacité de transformer un être humain en titan. Le dernier vestige de la famille Reiss.

- Bon, déclara Pixis, mieux vaut donc la garder précieusement et l'utiliser comme cela a été prévu lors de sa conception initiale.

- A qui s'en remet-on alors ? demanda Zackley. A vous Erwin ?

- Non, sûrement pas, affirma le blond en pressant la manche vide qui aurait du contenir son bras droit. Je ne suis désormais qu'un estropié. Selon moi...

Il marqua un temps d'arrêt.

- Cette boîte doit être confiée à celui d'entre nous dont les chances de survie sont les plus élevées. Livaï, acceptes-tu de t'en charger ?

- Si c'est un ordre, la question ne se pose pas, répliqua le caporal. Pourquoi me demander mon avis ?

Erwin observa son ami avec gravité et le brun eut l'impression d'être sondé par ses iris de glace.

- Il est impossible de prédire dans quelles circonstances on sera amenés à utiliser cette seringue, répondit le major. Autrement dit, je te délègue l'entière responsabilité. En fonction de la situation, tu devras décider sur qui pratiquer l'injection. Acceptes-tu ce rôle ?

- Si ton rêve se réalise, renchérit Livaï, as-tu déjà réfléchi à ce que tu feras ensuite ?

Erwin le fixa un instant, puis son regard se perdit dans le vague.

- Ma foi... soupira-t-il, pas encore. Chaque chose en son temps.

- Bon, très bien, finit par décider le jeune caporal. Entendu.

Il s'empara alors de la boîte, acceptant la lourde charge qui accompagnait la seringue.

Chapitre 10 : La conviction d'Erwin Smith

La salle était plongée dans une ambiance bruyante et enthousiaste, de par l'arrivée des nouveaux soldats au bataillon d'exploration. Si les jeunes recrues sorties de formation avaient été réticentes à rejoindre ce corps d'armée, la campagne de recrutement, elle, avait obtenu des résultats qui dépassaient les attentes des gradés. Au milieu de la cantine, dans la caserne militaire de Trost, les bleus étaient euphoriques, rêvant de l'aventure que serait la prochaine mission hors des murs, et déjà certains du succès de l'expédition. Sur la table centrale, les membres de l'escouade Livaï écoutaient Marlowe, anciennement soldat des brigades spéciales, s'extasier à propos des armes récemment confectionnées pour combattre les titans.

- Vous vous rendez compte ?! s'écria le garçon. Avec cette lance, on va écraser ces monstres comme des fétus de paille !

- Ben voyons... soupira Jean, sceptique. Y'a bien que la bleusaille qui s'est jamais retrouvée en face d'un titan que ça peut réjouir...

Aya'nah, assise aux côtés de l'adolescent, posa ses couverts près de son assiette. Plus cette conversation avançait, plus le stress en elle remontait, et moins elle avait envie d'avaler quoi que ce soit.

- C'est vrai que je suis un bleu au sein du bataillon, continua le jeune homme, mais regarde l'effervescence qui règne, ça ne bouillonnait pas autant quand je suis arrivé ! C'est bien la preuve que ce nouvel armement enthousiasme tout le monde avec les possibilités qu'il offre !

- Regarde un peu mieux autour de toi, Marlowe, le reprit Jean. Ceux que ça enthousiasme, ce sont uniquement les nouveaux venus qui n'ont jamais eu à se confronter avec ces abominations. Tu noteras qu'il n'y a aucun soldat aguerri que ça emballe.

Un jeune militaire s'approcha alors de la table, le sourire au lèvres.

- Ben alors, Jean ? Tu fais ton rabat-joie ? On vaut pas un clou parce qu'on vient des brigades spéciales, c'est ça ? On a fait nos classes ensemble, pourtant.

La brune vit le visage de son ami se fermer. Elle n'avait encore jamais vu son regard aussi froid.

- Qu'est ce que vous venez foutre dans le bataillon d'exploration ? demanda-t-il d'un ton glacial qu'elle ne lui reconnaissait pas.

- C'est vous qui avez lancé une campagne de recrutement, je te signale, répondit le soldat.

Il échangea un regard avec ses compagnons, qui se tenaient légèrement en retrait derrière lui.

- « La reconquête du mur Maria est proche ! Nous avons besoin de vous, rejoignez nos rangs ! », ça sonnait vachement bien, par vrai ?

Il fit une pause, sans se départir de son sourire.

- D'ailleurs, on est pas les seuls à être exaltés. C'est le climat général.

Jean se permit un léger rire sarcastique qui n'échappa pas à son interlocuteur.

- Tu nous la joues grand vétéran blasé qui a déjà tout vu, c'est ça ? lança-t-il avec amusement.

- On en a vu plus que vous, ça, c'est sûr.

- Oh l'autre...

Le soldat délaissa alors son rictus réjoui pour une expression plus sérieuse.

- Cela dit... c'est vrai que vous avez changé. Vous n'avez plus le même regard qu'avant. Qu'est ce qui s'est passé pour vous transformer à ce point ?

Les membres de la cent-quatrième brigade échangèrent un long regard.

- Tu veux savoir ? demanda Jean après un silence pesant.

A sa droite, Aya'nah se fit discrète. Elle non plus n'avait jamais confronté l'horreur des titans, bien que sa mémoire ne soit pas vierge d'atrocités.

- Euh... non, répondit le jeune homme, soudainement dérouté. Le prochain coup, peut être.

Lui et ses acolytes s'éloignèrent alors. Marlowe reprit la parole mais Jean ne l'écouta que d'une oreille distraite. Son regard, adouci, venait de glisser sur sa voisine. Il avait remarqué son assiette remplie, encore fumante, sa tête basse et ses iris gris perdus au loin. D'un coup d'œil rapide, il vit les poings serrés de son amie posés sur ses jambes, invisibles de par la table de bois, mais témoignant d'un état d'esprit anxieux. Il comprit que ses paroles, bien qu'adressées aux candides soldats, avaient touché la jeune fille et ses craintes de plein fouet. La culpabilité frappa l'adolescent, et avec une infime discrétion pour ne pas l'embarrasser, il plaça sa main sur celles de sa camarade. Cette dernière sursauta, levant les yeux pour croiser ceux de son ami. Celui ci lui adressa un sourire rassurant chargé de tendresse. Aya'nah revit dans cet échange muet celui qu'ils avaient partagé cette nuit là, face aux étoiles. Elle lui rendit la pareille et recommença doucement à manger, sous le regard protecteur et bienveillant du militaire, qui se permit de replonger dans la conversation avec plus de bonne humeur.
 

*******

 

Tandis qu'Hanji sortait de la pièce, elle sentit la porte se refermer contre elle et jeta un coup d'œil dubitatif par dessus son épaule, sans toutefois insister. De l'autre côté de la planche de bois, le caporal s'était adossé au battant, le poids de son dos enclenchant la fermeture de ce dernier. Le jeune homme était désormais seul avec Erwin.

- Qu'est ce qu'il y a, Livaï ? demanda le blond d'un air grave.

- C'est peut être réfléchir trop loin, expliqua le haut gradé avec son éternelle nonchalance. Mais qu'est ce qu'il se passera quand on aura repris le mur Maria ? La priorité sera de prendre des mesures défensives, après ça...

- Éliminer toutes menaces, répondit le major. Il semblerait qu'un ennemi dehors souhaite tous nous voir dévorés par des titans. Et pour ce qu'il pourrait être... Il est possible que la réponse se trouve dans cette fameuse pièce, à Shiganshina. Comme je l'ai dit plus tôt, nous déciderons quand nous y serons rendus.

- Je demande car je ne sais pas si tu pourras aller aussi loin, tu vois. Ton corps ne peut plus bouger comme avant. Tant que tout ne sera pas fini, tu seras un appât à titans.

Erwin pressa machinalement sa manche vide. C'était devenu un tic nerveux chez lui, comme s'il voulait s'assurer que son bras était bien absent.

- Laisse Hanji mener les opérations, continua Livaï d'un ton sans appel. Je ne veux pas m'encombrer de ta présence. Tu devrais rester ici et attendre de nos nouvelles. Et je compte insister jusqu'à ce que tu abandonnes. C'est ok ?

Les yeux du major se firent un instant pensifs.

- Non, répondit-il avec fermeté.

Le caporal lui jeta un regard las, aussi désinvolte que sa posture.

- Je ne serais pas un appât, affirma le blond. Je me maintiendrais au premier rang. La chaîne de commandement reste comme elle est. Si je me fais avoir, alors Hanji prendra ma place à la tête du bataillon. Cela pourrait être une mission difficile, mais c'est aussi la plus importante pour l'humanité. J'ai tout fait pour la voir se réaliser. Tout dépend de mon plan.

Il plongea son regard dans celui de son ami.

- Si je ne le fais pas moi même, conclut-il, les chances de réussite diminuent.

- C'est vrai, admit Livaï. La mission pourrait échouer. Si tu passes l'arme à gauche alors tout est fini. C'est largement suffisant que tu restes assis sur ta chaise à réfléchir. En restant en vie, tu causeras plus de soucis aux titans. Et c'est aussi le meilleur choix pour l'humanité.

- Non, contesta Erwin. Le meilleur choix serait que j'assure le commandement de cette mission.

- Oh, arrête toi, ordonna alors le brun d'une voix soudainement aussi froide que ses iris gris acier. Si tu continues à me tenir ce discours, je te briserais les deux jambes.

Il laissa un bref silence se répandre dans la salle, propageant la menace dans une ambiance lourde de sens.

- Je le ferais de sorte à ce qu'ils puissent le soigner proprement, précisa le jeune haut gradé comme s'il parlait d'une simple banalité. Mais ainsi, tu serais contraint de rester en arrière en attendant la fin de l'opération. Ce sera juste un peu difficile pour toi d'aller chier pendant quelques temps.

Le major ferma un instant les yeux, puis il se permit un bref rire, plus nerveux qu'amusé.

- Ce serait gênant, murmura-t-il. C'est exactement comme tu l'as dit, je serais obligé de rester à l'arrière. En vie. Mais quand la vérité sur ce monde sera dévoilée, il faut que je sois là pour la voir.

Son regard fatigué avait laissé place à une détermination sans failles qui n'échappa pas au caporal. Ce dernier plissa les yeux, s'avançant légèrement vers son supérieur.

- C'est aussi important que ça pour toi ? Plus que tes jambes ?

- Oui.

Le visage de Livaï se referma encore, plus glacial que jamais.

- Plus que la victoire de l'humanité ?

- Oui.

Aucune hésitation ne troublait l'attitude d'Erwin. Le jeune homme serra les poings.

- Je vois, souffla-t-il. Erwin, je vais croire en ton jugement.

Il quitta alors la pièce sous le regard pensif de son ami.

Chapitre 11 : Départ

Aya'nah se tenait contre le cadre de la porte. En cette dernière soirée avant le départ de l'expédition, son appétit avait complètement disparu et l'odeur du festin commandé par le bataillon la rendait malade, aussi ne s'était-elle pas jointe à ses amis. Depuis l'entrée de la cantine, elle regardait ses camarades s'extasier sur la présence de viande. Elle haussa un sourcil quand la tension monta et que des cris commencèrent à s'élever autour des tables. Des disputes naissaient dans certains groupes concernant le partage de la riche ressource. Du côté de l'escouade d'élite, Connie et Jean essayaient de maintenir la folie de Sasha, qui s'était littéralement jetée sur le morceau. Les paroles avaient vite laissé place aux mains parmi cette équipe composée de forts caractères. Les hauts gradés leur jetèrent un regard ennuyé mais n'intervinrent pas, occupés par leur propre repas et bien plus indulgents en cette veille de mission. Au bout de quelques périlleuses manœuvres, les garçons réussirent à ligoter la turbulente adolescente contre un poteau de la salle. Le calme revint, mais il fut vite remplacé par les exclamations de Jean, qui ne pouvait s'empêcher de provoquer Eren. Les deux jeunes hommes, aussi impulsifs l'un que l'autre, en vinrent vite aux poings. Rapidement, ils attirèrent l'attention de la pièce. Aya'nah se demanda si elle devait intervenir, elle faillit se déplacer mais lorsqu'elle aperçut Mikasa immobile, elle hésita. Un regard de l'asiatique la convint de ne pas bouger. La soldate entendit des pas derrière elle et elle tourna la tête pour voir Livaï entrer dans le réfectoire. La jeune fille s'apprêtait à faire le salut militaire mais le caporal saisit son poignet pour lui signifier que c'était inutile. Leurs yeux ne se croisèrent qu'un bref instant puisque le haut gradé s'avança ensuite d'une démarche silencieusement féline vers les deux fauteurs de troubles. Le talon du brun rencontra avec force le ventre d'Eren, qui s'écroula, pendant que son poing frappait violemment l'estomac de Jean, le faisant tomber à la renverse. Les deux garçons furent envoyés au sol, et ils n'eurent ni l'énergie, ni la volonté, de se relever.

- Il me semblait avoir dit de ne pas vous faire remarquer, lança simplement Livaï.

Il laissa son regard acier traîner dans la salle avant de reprendre d'un ton implacable.

- Allez dormir. Et nettoyez moi tout ça.

- A vos ordres, Caporal Chef ! répondirent tous les soldats à l'unisson, effrayés par le calme froid de leur supérieur.

Connie prit Jean sur son dos tandis qu'Armin et Mikasa se chargèrent de ramener Eren jusqu'aux édifices de logements. Le trio s'arrêta devant le bâtiment et s'assit sur les marches, prenant le temps de se retrouver entre eux comme ils ne l'avaient pas fait depuis longtemps. Les trois enfants de Shiganshina qui rêvaient du monde extérieur leur manquaient et ils ressentaient le besoin de les retrouver en cette nuit apaisante.

Derrière la palissade du logis militaire, Livaï, adossé à la planche de bois, écoutait les trois amis parler de leurs espoirs fous. Il se laissa lentement glisser contre la porte, emporté par la voix vibrante de conviction d'Armin, tout en se demandant où étaient passés ses rêves à lui. Un mouvement le coupa de ses réflexions. Il vit Aya'nah s’asseoir à ses côtés contre la palissade, sans un bruit. D'un regard vers l'adolescente, il sut qu'elle se posait des questions similaires, et qu'elle comprenait complètement ce qu'il ressentait. A des périodes différentes, ils avaient vécu la même histoire. Ce simple fait, accumulé à ce nom de famille qu'ils partageaient, poussait le caporal à prendre la jeune fille sous son aile de la même façon qu'il l'avait fait pour Eren, à sa manière. Il se sentait proche d'elle, et un instinct qu'il ne comprenait pas entièrement l'incitait à vouloir la protéger, car malgré sa façade froide et désinvolte, identique au comportement de Mikasa et au sien, il sentait chez elle une fragilité qui pouvait s'ouvrir à tout moment. Pendant un bref instant, Livaï eut l'impression d'être de nouveau auprès d'Isabel. Sans contrôler ni ses émotions, ni ses mouvements, il leva la main et glissa ses doigts dans la chevelure noire d'Aya'nah, dans un geste affectif qui, bien que surprenant pour la soldate, ne lui déplut pas. Pour la seconde fois, l'adolescente oublia qu'il était son supérieur, ne voyant dans cet homme que l'un des derniers membres de sa famille détruite, et lentement, elle vint poser sa tête contre son épaule. Derrière la palissade, les trois amis continuaient à parler sans se soucier de ce qu'il se passait à quelques mètres d'eux.
 

*******

 

Le soleil venait d'entamer son plongeon dans les cieux quand les monte-charges s'élevèrent contre les murs pour transporter les derniers cavaliers. Depuis les ruelles de Trost, la population lançait des encouragements aux soldats, criant avec entrain et confiance. Du haut des remparts, la cent-quatrième brigade répondit avec enthousiasme à ce succès imprévu, sous les regards agréablement surpris des hauts gradés et sceptique de Livaï. Erwin, à qui cette attention soudaine plaisait, hurla à son tour de toute la force dont il était capable, étonnant son ami qui le dévisagea en haussant un sourcil.

- L'opération pour reprendre le mur Maria débute à cet instant ! scanda le major à ses troupes.

Les chevaux partirent au galop dès que les militaires furent posées au sol. Lancés à pleine vitesse, les animaux traversèrent le territoire perdu par l'humanité en peu de temps, de part l'absence de titans provoquée par le crépuscule. Lorsque la nuit tomba complètement, les soldats mirent pied à terre et continuèrent en marchant pour éviter tout accident lié au manque de visibilité du à l'heure. Aya'nah avançait en tête de l'escouade, Livaï étant plus en avant avec Erwin, éclairant le chemin d'une main et dirigeant sa monture de l'autre. Bien qu'attentive à ce qui l'entourait et à ses gestes, la jeune fille trouvait particulièrement apaisant d'écouter la mélodie nocturne jouée par la nature. Elle leva un instant les yeux pour apercevoir les étoiles au travers des feuillages. Un cri d'alerte la tira de ses observations.

- Titan sur notre gauche !

L'adolescente laissa lentement glisser son regard dans la direction indiquée et son cœur manqua un battement. Endormi, le géant n'était pas effrayant ou encore menaçant, mais il restait impressionnant, surtout pour la bleue, qui n'en avait jamais vu auparavant. Les militaires s'approchèrent pour inspecter le potentiel danger que le monstre représentait, et la brune resta immobile, les iris accrochés sur le titan. Jean s'approcha d'elle et posa une main sur son épaule.

- Allez Aya', on avance, murmura-t-il doucement.

L'équipe reprit la route, laissant l'humanoïde qui dormait à poings fermés. Quelques bribes de discussions filtrèrent entre les arbres, suffisamment discrètes pour que les hauts gradés ne jugent pas nécessaire de les couper. Le bataillon sortit de la forêt lorsque l'aurore réchauffa le ciel d'une douce lueur rose orangée. Les soldats montèrent de nouveau sur leurs chevaux et galopèrent vers Shiganshina, admirant le haut mur qui les séparaient de la ville en ruines.

- Le soleil se lève ! hurla Erwin. Prenez garde aux éventuels titans qui pourraient surgir des angles morts ! On entame l'opération sans plus tarder ! Passez en manœuvre tridimensionnelle !

Aya'nah lâcha les rênes de sa monture et suivit le reste de son escouade dans les airs. Malgré la gravité de la situation, elle ne pouvait empêcher son cœur d'exploser de joie, comme chaque fois qu'elle volait loin su sol, devenant l'égale des oiseaux qu'elle avait si souvent admirés quand elle était sortie des souterrains. La mission était simple pour la centaine de militaire voltigeant entre les bâtiments : foncer vers la brèche dans la porte pour qu'Eren ne se fasse pas repérer par l'ennemi. L'adolescente enfonça un peu plus sa capuche sur sa tête avant de se propulser à toute vitesse vers le trou béant dans le mur. Un mouvement à sa droite attira son attention, après un temps d'observation, elle reconnut Jean et sourit. Il avait bel et bien décidé de tenir sa promesse et de veiller sur elle. Dès que tous les groupes furent en place, des fumigènes tracèrent vers le ciel. Eren s'élança alors en hauteur et un éclair jaillit, duquel ressorti un titan massif. Ce dernier fondit sur la faille et brilla de mille feux, se durcissant à une vitesse ahurissante.

Chapitre 12 : La grande bataille de l'humanité

Eren sortit rapidement du corps surdimensionné dorénavant fondu dans le mur avant de rejoindre le haut des remparts, soutenu par Mikasa. Aya'nah se rapprocha de l'escouade tandis que Livaï parlait au garçon.

- Tant que l'ennemi rôde, affirma-t-il d'un ton ferme, rien n'est résolu. C'est assez clair pour toi ? On n'aura reconquis le mur Maria qu'une fois qu'on aura liquidé Reiner, Berthold et tous les autres.

- Oui... C'est parfaitement clair, répondit l'adolescent avec détermination.

Le caporal donna ensuite l'ordre de retourner à l'extrémité de la ville, où se trouvait Erwin, afin de boucher la seconde brèche. Toujours dissimulés sous leurs capes, les soldats de l'élite et tous ceux servant de leurres voltigèrent à l'aide de leur équipement afin de traverser la cité. Un nouveau fumigène monta dans le ciel. Le signal d'interruption de l'opération, provenant du point d'où le major dirigeait la mission. L'escouade Livaï se plaça en haut du mur en attendant les directives suivantes.

- C'est pas la peine qu'on aille donner un coup de main ? demanda alors Connie qui regardait les équipes au loin s'affairer sur la muraille.

- Là, j'avoue que je pige pas trop ce qui se passe...répondit Jean. Mais bon...

- Armin a du avoir un autre éclair de génie, supposa Eren.

A quelques mètres d'eux, un homme interpella le reste des troupes.

- J'ai trouvé ! Ici, ça sonne creux !

Tous ceux qui étaient dans les environs tournèrent le regard vers le militaire et ils purent voir un morceau du mur se déplacer, révélant la stature imposante de Reiner. Le grand blond n'attendit pas plus longtemps dans sa cachette, il dégaina sa lame et la plongea dans le corps du soldat avant de sortir à l'extérieur. Son regard tomba sur Armin, à quelques pas de lui. Il n'eut cependant pas le temps de faire quoi que ce soit car un mouvement en hauteur attira son attention. Reiner vit à peine la silhouette foncer sur lui tant les mouvements de cette dernière étaient fluides. Livaï n'avait pas perdu les précieuses secondes que lui offrait la situation, et, fidèle à sa réputation, il avait jailli du mur pour asséner un coup puissant à l'ennemi. Sa lame transperça la nuque du renégat sans que celui ci puisse éviter l'offensive. La seconde arme du caporal traversa l'abdomen du réceptacle du cuirassé et le corps meurtri de ce dernier bascula en arrière avant que le brun ne puisse l'achever. Le traître s'écrasa au sol, l'une des lames de son assaillant toujours planté derrière son cou.

- Caporal Chef ! cria Armin, pris de sueur froide tant il avait eu peur.

- ET MERDE ! hurla l'interpellé, conscient de son échec. Encore un coup de son foutu pouvoir !

Il jeta un regard frustré au corps immobile de Reiner.

- Ça s'est joué à peu de chose, murmura le jeune haut gradé pour lui même.

Une explosion survint alors sur le blond qui frôlait jusque là l'inconscience.

- Mais hélas, poursuivit Livaï, je l'ai raté.

Le jeune homme laissa place au titan cuirassé sur le sol de Shiganshina. Erwin leva son bras, prêt à donner de nouveaux ordres à ses troupes.

- Surveillez les alentours ! Il faut aussi coincer les autres !

Un bruit lourd dans son dos le poussa alors à se retourner. Le titan bestial venait de faire son apparition dans l'enceinte du mur Maria, juste avant l'ensemble de maisons qui précédait l'entrée du district détruit. Et, tout autour, formant un arc de cercle, des dizaines de titans étaient placés de sorte à empêcher une quelconque retraite. Le piège parfait. Le réceptacle velu s'empara d'une grosse roche avant de la lancer avec force sur la zone occupée par les soldats. L'impact causé eut pour effet d'obstruer la seule voie de repli que les chevaux et militaires restés hors de la cité auraient pu emprunté pour rejoindre l’intérieur de celle ci. L'escouade de Livaï ainsi que celle d'Hanji avaient entre temps remonté le mur pour rejoindre le major, attendant les prochaines directives non sans une légère appréhension.

- Erwin... lança le caporal avec désinvolte, son regard blasé posé sur leur ancien allié. Le cuirassé se prépare pour une séance d'escalade.

- Évitez à tout prix la confrontation avec lui, c'est bien clair ?! ordonna le blond d'une voix puissante. Ne vous en approchez surtout pas !

- A vos ordres ! répondirent les militaires avec discipline.

Le commandant du bataillon d'exploration laissa son regard analyser et sonder les imposants ennemis qui leur faisaient face depuis l'enceinte du mur. Son attention se posa sur le titan quadrupède qui portait de lourdes charges sur son dos. Après une brève réflexion, il donna de nouvelles informations.

- Celui, là bas, qui avance à quatre pattes est intelligent lui aussi, affirma-t-il. Et ce n'est probablement pas le seul !

Le titan bestial frappa lourdement le sol de son poing et aussitôt, une horde de géants se précipita vers les habitations abandonnées.

- Il y a du mouvement ! s'écria alors Hanji qui avait les yeux fixés sur le groupe d'humanoïdes depuis déjà un moment. Les gabarits de deux à trois mètres s'élancent !

Erwin laissa ses iris de glace planer sur le paysage, son cerveau de stratège se mettant automatiquement en fonctionnement, à la recherche du meilleur plan possible. L'homme, comme à son habitude, était imperturbable et affichait une expression grave sur laquelle brillait cet air implacable qui faisait de lui un leader né.

- Major ! l'interpella Armin. Le cuirassé sera là d'un instant à l'autre ! Et on n'a toujours pas localisé Bertolt !

- Oui, je sais, répondit le commandant sans se couper de ses réflexions.

Il lui fallut encore une bonne minute de dialogue interne avant qu'il ne redresse la tête, prêt à donner ses ordres.

- Tu te décides enfin à parler, on dirait, nota Livaï avec une indifférence qui seyait peu à la situation mais qui correspondait bien à la nonchalance du caporal. Je crois qu'on va regretter de pas avoir pris notre petit dej.

- Dirk et Marlene ! cria Erwin sans répondre à son fidèle ami. Vos équipes et vous, rejoignez Klass et ses hommes aux abords de la porte intérieure ! Votre mission est de protéger les chevaux, coûte que coûte !

Il ne fit qu'une brève pause avant de poursuivre.

- Escouades Livaï et Hanji ! Chargez vous du cuirassé ! Autorisation de recourir aux lances foudroyantes ! Il faut l'arrêter par tous les moyens !

Il prit une grande inspiration avant de hurler avec rage et détermination.

- DE NOUS TOUS ET DE L'ISSUE DE CETTE BATAILLE DÉPEND LA SURVIE DE TOUTE L'HUMANITÉ ! ALORS N'OUBLIEZ PAS LE SERMENT QUE VOUS AVEZ PRÊTÉ ! SUR LE CŒUR ! EN AVANT !

A l'unisson, les soldats répondirent à ce cri par le leur, puis ils se précipitèrent là où le devoir les attendait.

- Un instant, vous deux ! annonça le major en interpellant le caporal et Armin. Toi, Livaï, tu laisses faire ton équipe... Et tu restes là.

- Tu veux que je défende les canassons au lieu de protéger Eren ? questionna le brun.

- C'est ça, confirma le commandant du bataillon. Et guette le moment propice pour régler son compte à celui ci. Le titan bestial. Tu es le seul à pouvoir t'occuper de lui.

- Entendu, acquiesça-t-il. Je m'en veux d'avoir raté ce merdeux de Reiner, tout à l'heure. Trancher le cou du gros poilu sera l'occasion de me racheter.

Il jeta un bref regard à son escouade qui s'apprêtait à descendre et se dirigea vers elle pendant que le grand blond s'entretenait avec Armin. Le caporal sentit le regard inquisiteur des jeunes recrues de l'élite quand il approcha.

- Vous allez vous débrouiller sans moi, expliqua-t-il, j'ai reçu d'autres ordres. Aya'nah, tu viens avec moi.

L'adolescente hocha la tête sans poser de questions avant d'échanger un long regard avec Jean. Le garçon aurait voulu dire tellement de choses à son amie, mais le temps manquait et malgré la peur qui le tenaillait, celle de mourir, ou encore celle de ne plus la revoir, il ne voulait pas lui ramener ses doutes. La jeune fille avait eu tant de mal à combattre ses démons qu'il ne pouvait gâcher cela par son égoïsme.

- Fais attention à toi, murmura-t-il simplement.

Elle opina avec un sourire quelque peu inquiet et suivit le caporal pour descendre du côté opposé à la trajectoire de ses amis.

Chapitre 13 : Colossale interruption

Les deux soldats s'arrêtèrent sur un toit. Livaï décida alors de répondre aux questions muettes de sa jeune cousine.

- Tu n'as encore jamais été sur le terrain, je préfère garder un œil sur toi. Ne crois pas que je t'infantilise ou que je manque de confiance en toi Aya'nah, tu vas mettre tes capacités à profit de ce côté, et lorsque ce sera possible, tu m'aideras à liquider cette espèce d'enflure à poil long. Donc restes près de moi.

- Oui Caporal Chef, répondit la soldate pendant que ses yeux d'acier se fixaient sur la silhouette massive de l'ennemi.

D'un geste maîtrisé, l'adolescente sortit ses lames, prête à combattre. Sa peur était toujours là, enfouie sous toutes les émotions et pensées qui se bousculaient en elle, mais elle avait appris à la museler depuis longtemps, se formant un masque d'inexpressivité qui se révélait fragile aux yeux de ses proches et invincible pour le reste du monde. Comme à son habitude, lorsque venait l'heure de se battre, elle réfutait tout sentiment pour se concentrer sur sa mission, son visage paraissait alors dénué d'humanité et son corps répondait à la moindre de ses sollicitations avec une aisance presque insolente. Ce brusque changement n'échappa à Livaï, qui avait vu la crainte briller dans les yeux de la jeune fille avant de la voir s'effacer pour ne devenir que froide neutralité.

- Évacuez les chevaux restants du côté ouest ! cria un vétéran qui passait le long des rues pour donner des directives aux nouvelles recrues chargées de la surveillance des montures. Vous en faites pas, on vous couvre !

Les jeunes militaires s'agitèrent alors pour déplacer les animaux tandis que leurs aînés se dirigeaient vers les titans.

- Deux gabarits de trois-quatre mètres arrivent par l'est ! prévint un homme depuis les toits. Attention !

Toutefois, avant qu'il ne puisse attaquer les géants, une tornade glissa le long des créatures et ces dernières s'affaissèrent. La silhouette retrouva une forme humaine une fois la rapidité atténuée par l'exécution du mouvement et les soldats anxieux reconnurent le caporal. Celui qui était célèbre pour être l'homme le plus fort de l'humanité s'arrêta au sommet d'une maison, prenant le temps de jeter un regard désinvolte sur ses troupes avant de donner des ordres.

- Magnez vous d'éliminer toutes ces merdes avant que le gros poilu ne se ramène ! Et je ne veux aucune perte dans nos rangs, c'est bien clair ?!

- Oui ! hurlèrent les militaires, rassurés par la présence de cette légende du bataillon.

Une fois qu'ils furent répartis tout autour de la zone attaquée, Livaï murmura pour lui même d'un ton las.

- Tch, bordel. Je hais les faibles, ils meurent trop vite.

Il sauta ensuite de son perchoir, se dirigeant vers l'attroupement de titans qui approchait dangereusement. Derrière lui, Aya'nah imita ses gestes et fonça à son tour. Tandis que le caporal partait vers la droite, la jeune fille comprit qu'il attendait d'elle qu'elle aille vers la gauche. Elle bascula alors son bassin pour tourner, décrocha son câble pour le planter dans le torse de sa cible et rétracta le fil tout en tournoyant dans les airs. Ses mouvements étaient aussi fluides que sa pensée, pourtant, elle pouvait entendre distinctement son cœur battre à toute allure. Avec une maîtrise étonnante pour une novice, elle répéta la technique apprise pendant ses années d'entraînement et fit coulisser ses lames sur la nuque du géant. Ce dernier tomba sans avoir le temps de comprendre et aussitôt, l'adolescente vola vers l'ennemi suivant, le découpant aussi proprement que le précédent. Livaï, qui avait gardé un œil sur elle pendant qu'il éliminait ses propres adversaires dans le but de s'assurer qu'elle tuerait correctement ses premiers titans, hocha la tête d'un air satisfait. Les deux Ackerman continuèrent leur chorégraphie mortelle entre les prédateurs, formant un duo incroyablement efficace, sous le regard admiratif des soldats du périmètre. De nombreux blessés s'étaient déjà fait dénombrés dans les rangs du bataillon, mais aucun titan n'avait de chance de pouvoir approcher des êtres humains comme de leurs montures tant que les deux bruns parcouraient le ciel, lames brillantes sous le soleil étincelant.

 

*******

 

De l'autre côté du mur, le titan assaillant combattait le cuirassé avec virulence. Les habitations de Shiganshina s'écroulaient sur le passage des deux géants, augmentant la colère d'Eren à chaque destruction supplémentaire. Non loin de la rage de leur échange, les équipes du bataillon surveillaient les occasions d'approcher leur ennemi afin de lui porter un coup fatal. Mikasa sentait sa haine monter dès que Reiner touchait son frère, et sa patience était tout aussi mise à l'épreuve. Hanji ordonna à ses soldats de rester attentifs depuis une position optimale et surtout, de faire confiance au jeune homme qui affrontait l'adversaire. L'utilisation de leur nouvelle arme dépendait en effet du combat qui se jouait devant eux, ainsi que de la précision des militaires lorsqu'ils manieraient leurs lances foudroyantes. La scientifique lança enfin le signal, Mikasa et elle s'élancèrent dans les airs, leurs armes tendues en avant. Les deux femmes se propulsèrent vers le titan cuirassé, qui ne comprit leur manœuvre que trop tard. Elle enclenchèrent le lancement et les outils s'activèrent dans une explosion vibrante. Reiner sentit les piques entrer dans ses orbites et avant qu'il ne puisse réagir, ces dernières sautèrent. Le reste de l'escouade Livaï profita de la gêne occasionnée pour viser la nuque de leur ennemi. Irra, plus rapide que les autres, donna la première attaque, rapidement suivie de son groupe. Elle voltigea en l'air, se retournant pour admirer l'effet de leur offensive, et sourit avec fierté lorsqu'elle vit la nuque détruite du géant. Hanji commanda aux militaires de lancer une nouvelle attaque afin d'achever le titan, et si certains des anciens camarades de Reiner hésitèrent, la blonde se jeta immédiatement en direction de l'ennemi. Ensemble, ils firent de nouveau exploser la cuirasse de leur adversaire, et ce dernier avec. Pourtant, Reiner bougea quelques minutes après la seconde salve. Irra serra les dents, elle était pourtant sûre d'avoir frappé avec efficacité, il ne devrait plus pouvoir faire quoi que ce soit. Par fierté, elle faillit foncer sur le corps gigantesque pour attaquer de nouveau, mais elle préféra attendre les ordres. Malgré son caractère difficile et le fait qu'elle n'appréciait pas son entourage, elle avait conscience d'être soldate avant tout, et elle faisait confiance à sa supérieure concernant les choix à faire pour cette opération risquée. Loin d'être stupide, la blonde avait rapidement compris que face à un tel adversaire, la stratégie d'équipe serait le moyen de vaincre. Elle, seule, ne ferait jamais le poids face au guerrier. Et cette simple vérité la mettait en colère. Alors que de l'autre côté de la rue démolie, Mikasa et Armin discutaient de la démarche employée par les deux escouades, le cuirassé releva la tête pour pousser un hurlement effrayant. Tous, de ce côté du mur comme de l'autre, purent entendre ce cri démesuré. Les soldats, toujours prêts à frapper Reiner, s’alarmèrent, paniquant quand à la prochaine action à effectuer pour défaire définitivement le grand blond. Un tonneau traversa alors le ciel en direction du groupe de soldats et Armin donna l'alerte quand il comprit la manœuvre de l'ennemi.

- Le colossal arrive par la voie des airs ! cria-t-il. Tout le secteur va sauter !

Les militaires fuirent le plus vite possible avec leur équipement pour se mettre à l'abri, abandonnant leur adversaire agonisant. Cependant, à la surprise de tous, le titan le plus imposant ne fit pas son apparition, et Bertolt sortit de sa cachette en fonçant à pleine vitesse pour aider son ami tombé au combat. Le traître prit quelques secondes pour examiner l'état déplorable de son camarade avant de se précipiter vers les membres du bataillon d'exploration. Pris d'une énergie soudaine, Armin partit en avant à la rencontre du brun lorsque celui ci s'approcha. Sous le regard médusé de son escouade, il entama une discussion avec lui. Eren gronda en voyant son ami d'enfance si près de celui qui les avait à de multiples reprises condamnés.

- Tout doux Eren, balança Jean, positionné sur l'épaule du titan. T'es pas complètement idiot, tu sais que tu fais pas le poids face au colossal. Alors tiens toi à carreau, compris ?

L'assaillant ignora la remarque, se contentant de fixer les deux hommes qui échangeaient sur le toit. Jean avait également le regard soucieux. Pour Armin, qui était inconscient d'avoir approché un ennemi si redoutable, pour ses amis qui risquaient à tout moment de se faire pulvériser, mais aussi pour Aya'nah, dont il n'avait aucune nouvelle. Le jeune homme pouvait sentir son cœur battre bien trop fort lorsqu'il songeait à l'adolescente. Il se rassura comme il put en se disant qu'aux côtés de leur caporal légendaire, elle avait peu de chance de mourir. D'autant plus qu'elle était elle aussi une combattante remarquable. Il revint à lui lorsque Mikasa attaqua Bertolt. Après un échange de coups qui échoua, le grand brun s'élança dans les airs et personne ne prit le risque de le poursuivre. Ce qui fut judicieux puisque le jeune homme disparut dans un éclat aveuglant et incandescent de lumière pour laisser place au redoutable titan colossal.

Chapitre 14 : Assaut suicide

Aya'nah n'avait détourné son attention que quelques secondes lorsque la lumière s'était faite éclatante de l'autre côté du mur. Mais, prise dans son combat contre les titans, elle avait rapidement ramené sa concentration à ses gestes. Un peu plus loin, Livaï discutait avec un vétéran quant aux prochaines actions des escouades.

- La grande question, affirma l'homme, c'est comment éliminer le bestial. Cet enfoiré reste planté là bas sans faire mine de bouger.

- Ce poilu m'a tout l'air d'être un dégonflé, répondit le légendaire combattant avec son indifférence habituelle. D'ailleurs, si vous regardez bien, il me semble qu'il n'a pas de burnes.

- Bon, restez là Caporal Chef, décida son interlocuteur. On se charge d'éliminer le reste du menu fretin !

Le brun laissa glisser son regard en arrière, se demandant ce qu'étaient devenues son escouade et celle d'Hanji. Il hésitait à les rejoindre pour s'assurer que tout le monde allait bien. Des pierres passèrent devant ses iris gris acier et il reporta vivement son attention devant lui. Des roches voltigeaient partout et s'écrasaient avec violence sur la zone défendue par le bataillon d'exploration. Livaï esquiva avec adresse celles qui se trouvaient sur sa route et il jeta un œil vers les autres militaires. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement de stupeur face à la vision qui s'étendait devant lui. Tous les soldats présents dans l'espace, ainsi que les géants restants, s'étaient faits fracasser par le jet de pierres du titan bestial. Les morceaux humains volaient de part et d'autre des ruelles en ruines. Les bleus, qui gardaient toujours les chevaux, reçurent l'ordre de se mettre à l'abri des tirs alors que l'ennemi préparait un nouveau lancer. Pendant ce temps, le caporal défila le long des bâtiments à la recherche des soldats qui défendaient le terrain.

- Merde ! jura-t-il. Les gars !

Ses yeux se mirent spontanément à la recherche de la chevelure ébène de sa cousine, qui s'était éloignée de lui pour combattre. Il ne la voyait nulle part et s'en inquiétait. Une nouvelle pluie de roches s'abattit sur les bâtiments et le brun dut se cacher des projectiles.

- Aya'nah ! hurla-t-il dans une dernière tentative.

Un bruit de câble rétracté attira son attention dans son dos et il vit la jeune fille atterrir près de lui.

- Je suis là, répondit-elle simplement. Je vais bien mais... ils sont tous morts...

- Je sais, affirma le brun d'une voix dure, bien que soulagé de la voir en vie.

Livaï remarqua alors le filet de sang qui s'écoulait le long de la tempe droite de l'adolescente et il en déduisit qu'elle avait été touchée par la pierre. Inconsciemment, il se jura de faire payer le titan bestial pour ça. Ensemble, ils rejoignirent le groupe des nouvelles recrues et le caporal donna ses directives pour que ces dernières soient à l'abri des attaques minérales. Erwin arriva parmi les soldats et entama une discussion avec son ami. Pendant ce temps, Aya'nah se chargea de rassurer ceux qui étaient effrayés. Le bilan se fit rapidement. Ce qu'il restait du bataillon d'exploration de ce côté du mur était un groupe de nouveaux sans expérience, une adolescente redoutable, mais pas plus habituée au terrain que les premiers, et deux hauts gradés. Les bleus paniquèrent, hurlant leurs pensées terrifiées ainsi que leurs regrets, pendant que les deux hommes poursuivaient leur conversation, recherchant une quelconque stratégie. Un bruit se fit entendre en hauteur et ils levèrent les yeux pour voir le titan assaillant s'écraser sur la haute muraille.

- Sacré vol plané, murmura Livaï avant de tourner son regard vers son supérieur.

Conscient de leurs maigres chances de sortir vivants de cet endroit, le caporal voulut proposer au grand blond de rejoindre Eren pour qu'ils puissent s'enfuir pendant que lui même retarderait les ennemis, mais le major refusa, un autre plan dans la tête. Ce dernier nécessitait le sacrifice des jeunes recrues et le sien, il avoua toutefois à son ami son incertitude. En effet, il ne pouvait cesser de songer à son objectif, son rêve et la raison de la mort de tant de militaires au fil de ses années de commandement. Le chef du corps d'armée se laissa tomber sur une caisse de bois, dépité.

- Tu t'es brillamment battu Erwin, affirma l'homme le plus fort de l'humanité en s'agenouillant pour fixer son supérieur de ses iris acier si inexpressifs. C'est grâce à toi qu'on a pu arriver jusqu'ici. Laisse moi prendre cette décision pour toi.

Il fit une pause, la détermination emplissant ses yeux gris.

- Tire un trait sur ton rêve, lâcha-t-il avec une certaine froideur autoritaire, et fonce en enfer au triple galop en emmenant toute la bleusaille derrière toi. De mon côté, je me charge de faire sa fête au poilu.

Erwin sentit un léger sourire étirer ses lèvres. Il voulut remercier le brun mais ce dernier reprit la parole.

- Par contre, Aya'nah reste avec moi, décida le caporal d'un ton sans appel.

Le commandant du bataillon se leva et appela les recrues pour donner ses instructions. Il ne cacha à personne que l'opération menait à la mort, et tous acceptèrent à contre cœur après un discours convaincant de leur chef. Les adolescents montèrent sur leurs montures et alors que la descendante Ackerman s'approchait elle aussi d'un cheval, une main sur son épaule l'empêcha de grimper.

- Tu ne suis pas le groupe, déclara Livaï.

Sans un mot, la jeune fille se tourna vers lui, attendant ses ordres.

- Tu vas m'aider à descendre l'autre enflure. On va utiliser la ligne de titans pour l'atteindre avec notre équipement. Tu vas partir d'un côté et moi de l'autre, il faudra être rapide et efficace.

- Entendu Caporal Chef, acquiesça la brune.

- Et je t'interdis de mourir, tu m'entends Aya'nah ?

- Promis, sourit l'adolescente, touchée de sa sollicitude.

Tandis que le groupe de cavaliers hurlait en galopant droit sur le titan bestial, les deux bruns s'élancèrent dans les airs. La militaire se concentra sur chacun de ses mouvements, elle savait qu'elle n'avait pas le droit à l'erreur, aussi était-elle fortement minutieuse sur ses gestes, calculant la vitesse de ses déplacements comme la précision de ses attaques et l'économie du gaz qui s'échappait peu à peu de ses réserves. A chaque fois que son pied se posait sur un titan, elle profitait de l'appui pour prendre un élan conséquent qui lui était bien utile lorsqu'elle tranchait la nuque du suivant. Plusieurs fois, Aya'nah voulut jeter un œil sur le convoi des nouvelles recrues qui attirait l'attention du géant velu, mais elle se l’interdit. Elle refusait de se laisser déconcentrer alors que la mort évidente de toutes ces personnes n'était destinée qu'à permettre l'éradication de leur ennemi intelligent. Toutefois, l'adolescente avait l'impression d'avoir de nouveau du sang humain sur les mains. Propulsée des années en arrière, elle revit les souterrains, la puanteur des rues, le regard avide des hommes, la pauvreté alarmante et la maladie prospérant. Serrant les dents comme les doigts autour des poignées de ses lames, Aya'nah se sentit accélérer pendant que ses coups prenaient en puissance. Le gaz et la concentration n'y étaient pourtant pour rien. C'était sa force cachée qui remontait, comme cette fameuse nuit, alimentée par une colère profonde. Sa silhouette parut soudainement floue, et si elle était en retard sur l'avancée de Livaï de l'autre côté, elle retrouva le rythme pendant qu'elle supprimait ses adversaires avec une férocité efficace. Le sang de ses victimes maculait son corps comme son uniforme, mais elle n'y prêta aucune attention tant la rage qu'elle ressentait la poussait à se dépasser. Malgré tout, Aya'nah sentait que cet instant était différent de celui de son enfance. Cette fois, elle n'étouffait pas sous l'envie de pleurer. Cette fois, elle ne suffoquait pas à cause de la poussière des bas fonds.

Non.

Cette fois, elle pouvait voler.

Chapitre 15 : Leur nom est Ackerman

De son côté, Livaï était à quelques mètres du titan bestial. Ses lames en avant, il savait qu'il n'aurait qu'une chance. Pourtant, il n'était pas inquiet. Son visage était couvert du sang des titans qu'il avait éliminés pour atteindre son ennemi. Ce dernier tourna la tête sur sa droite et le caporal lança son grappin sur lui. Sa cible parut surprise quand elle vit arriver au dessus d'elle une tornade brune au regard acier meurtrier. Le géant leva un bras afin d'arrêter le soldat, mais ce dernier glissa avec une rapidité inhumaine le long de son corps, entaillant violemment la masse velue. A l'intérieur de la carcasse, le réceptacle du bestial ne comprenait pas ce qu'il voyait. Comment ce militaire pouvait être aussi vif et efficace ? Il se rappela alors la mise en garde de Reiner et Bertolt concernant un haut gradé aux talents légendaires.

- Voilà donc le fameux Livaï... murmura-t-il pour lui même.

Il réprima un frisson lorsqu'il croisa le regard de haine du brun. Il ne s'était pas méfié de lui lorsque les deux garçons lui en avaient parlé, et il se rendait compte de l'ampleur de son erreur maintenant qu'il faisait face à l'homme le plus fort de l'humanité. Le soldat poursuivit ses assauts, plus redoutables les uns que les autres, sans que le titan ne puisse les éviter. Il essaya tant bien que mal de protéger sa nuque des lames mais il ne parvint pas à sauver ses yeux d'une dissection aveuglante. Le réceptacle paniqua, ne parvenant pas à comprendre la situation. C'est alors qu'une voix mortellement froide parvint à lui, lui attirant un frisson qu'il ne put contrôler cette fois.

- Je t'ai observé tout à l'heure. T'avais l'air de bien t'éclater.

Privé de sa vue, il ne put capter le regard effrayant du caporal posé sur lui.

- Amusons nous encore un peu, clama le militaire en se propulsant vers sa victime.

En quelques secondes, la main qui protégeait la nuque du géant se retrouva éclatée en une multitude de fragments de chair et la partie vulnérable fut à la merci du prodige du bataillon. L'ennemi ferma les yeux quand la lumière apparut au travers de son titan et lorsqu'il les rouvrit, il croisa enfin les iris d'acier de Livaï. La haine et la force qui y brillaient ne lui laissèrent pas le moindre doute, il était perdu. Il hurla quand les lames brillantes tranchèrent bras et jambes, puis quand l'une d'elles entra dans sa bouche.

- Si j'ai bien compris, en cas de blessures méchantes, l'organisme est trop occupé à se régénérer pour vous permettre de vous transformer immédiatement. Tu confirmes ordure ?

Le blessé garda le silence. Impatient et plein de colère, Livaï enfonça son arme jusqu'à la faire ressortir par l'œil droit de l'homme.

- Hé, je t'ai posé une question !

L'autre ne parlant toujours pas, Livaï laissa ses pensées dériver. Il ne voulait pas le tuer inutilement. Son regard se perdit en arrière, où les cadavres des soldats reposaient au sol. Il espérait voir surgir à tout instant un survivant afin de pouvoir utiliser l'injection et ainsi posséder le titan bestial. Perdu dans ses espoirs vains de ramener des gens à la vie, le jeune haut gradé ne vit pas le titan quadrupède se jeter sur lui. Ses réflexes surhumains lui permirent d'éviter la gueule géante mais il ne put empêcher son assaillant de saisir le corps charcuté de son ennemi avant de s'enfuir. Livaï sentit toute la haine en lui partir. Tout le monde était mort, et il était là, à regarder sa cible partir, en vie. Dans un mouvement désespéré, il courut en direction du titan.

- Où tu vas ? demanda-t-il.

Il accéléra.

- Te sauve pas ! cria -t-il alors, J'en ai pas encore fini avec toi !

L'homme amputé le vit approcher depuis la gueule de son allié, il ouvrit la bouche pour hurler quelque chose, mais il tomba soudainement, s'écrasant au sol avec douleur. Il leva les yeux et ces derniers s'écarquillèrent de surprise. Le spécimen quadrupède se faisait taillader de tous les côtés par une tornade sortie de nulle part. La silhouette se dessina alors dans les airs alors que le corps surdimensionné sombrait à terre, et tous purent voir l'adolescente aux longs cheveux de jais. Sa tignasse sombre s'était détachée et formait à présent une crinière sauvage autour de son visage couvert de sang. Ses vêtements tâchés d'écarlate et ses yeux gris plus froids que le plus rude des hivers donnaient à la jeune fille un côté fou et effrayant qui ne permit pas au réceptacle du bestial de douter. Cette gamine était comme Livaï. La famille d'humains issus d'expériences interdites n'était donc pas une légende, et il faisait aujourd'hui face à deux d'entre eux. Deux Ackerman. La fille se propulsa vers la nuque du titan qu'elle attaquait et elle trancha avec une grande précision la partie sensible pendant que le soldat arrivait face à son adversaire. Le caporal plaqua l'homme contre le sol avec son pied, le menaçant de ses lames pour qu'il ne bouge pas. Aya'nah saisit la femme qui se situait dans l'autre titan et elle la jeta près de son allié, dans un état physique tout autant déplorable, puis elle sauta avec désinvolte de la carcasse fumante pour se placer aux côtés de son supérieur.

- Désolée du retard, souffla-t-elle.

Livaï ne répondit pas, occupé à fixer les deux étrangers affaiblis face à eux.

- Je n'ai qu'une seule injection, dit-il avant de désigner la femme réceptacle. Elle ne nous sert à rien.

- Pas même pour des informations ? demanda Aya'nah.

- C'est trop risqué.

- Entendu.

L'ennemie voulut parler mais déjà, l'adolescente saisissait ses cheveux tout en passant sa lame contre son cou. Un mouvement simple, exécuté avec une froideur déconcertante. Le corps retomba alors que la tête était toujours maintenue par la soldate. L'homme amputé fixa la scène.

- PEAK !! hurla-t-il en essayant de se redresser vers son amie.

Il prit aussitôt la botte du caporal dans le visage.

- Ferme ta gueule.

Un son de sabots retentit alors dans le dos des deux militaires et ils se retournèrent. Un cheval approchait, guidé par deux jeunes recrues, un garçon dénommé Frock et un brun que la jeune fille reconnut avec soulagement. Marlowe. Il était blessé à l'épaule et boitait, mais il était vivant. Sur la monture se distinguait un corps inconscient. Musculature carrée et cheveux blonds. Erwin Smith.

- Caporal Chef ! appela le premier bleu. Le major est très mal en point. Il a un trou béant dans l'abdomen et ses organes vitaux sont touchés... Il perd énormément de sang...

- J'ai pensé qu'on pouvait le sauver grâce à l'injection, renchérit Marlowe.

L'autre baissa les yeux, évitant le regard de Livaï.

- Lorsque je me suis aperçu que le major n'avait pas encore rendu l'âme, j'ai voulu l'achever. Heureusement, Marlowe est arrivé avec son cheval, il m'a arrêté et nous vous avons vu au loin. On est venus aussi vite que possible.

Le caporal hocha la tête et les deux adolescents firent descendre Erwin pour l'allonger au sol. Livaï s'approcha, vérifia qu'il respirait toujours, puis il sortit l'injection avant de demander aux trois jeunes de s'éloigner avec l'animal. Il plongea alors la seringue dans le corps de son ami. Le réceptacle du bestial voulut se dégager, hurlant et bougeant comme il pouvait mais d'un bond, Aya'nah était revenue sur lui et l’assommait d'un coup efficace. Les deux Ackerman rejoignirent les autres pendant que le chef du bataillon devenait un titan. Aussitôt, le géant se jeta sur l'ennemi et le dévora. Le corps démesuré tomba ensuite au sol et des colonnes de fumée s'échappèrent de sa carcasse tandis que le grand blond apparaissait sous leurs yeux.

Chapitre 16 : Armin

Livaï saisit son ami inconscient pour le poser à terre, les iris fixés sur son bras droit, qui avait maintenant repoussé. Il se redressa alors et saisit la bride du cheval de Marlowe, à la surprise de celui ci.

- Restez auprès de lui, ordonna-t-il, expliquez lui la situation s'il se réveille. Je vais voir de l'autre côté ce qu'il se passe.

Il monta d'un bond sur le dos de l'animal et posa son regard sur la jeune fille.

- C'est toi qui commandes en mon absence, Aya'nah.

La concernée acquiesça et le caporal partit au galop. L'adolescente se tourna vers ses compagnons. Ils étaient assis tous les deux près du major. Elle profita du répit pour contrôler son équipement. Il ne lui restait qu'une paire de lames, celles qui étaient fixées à ses poignées étant trop abîmées, elle s'en débarrassa d'un mouvement désinvolte. Il lui restait encore du gaz, mais trop peu pour se déplacer loin et son uniforme comme sa peau étaient toujours tâchés de sang même s'il se dissipait progressivement. Elle soupira. Son regard tomba sur le corps du titan quadrupède, plus précisément sur les nombreuses sacoches qu'il portait. Elle se dirigea vers elles et les ouvrit, ignorant l'air intrigué des deux militaires. Il y avait des affaires de survie basiques, nourriture et ustensiles, mais aussi une étrange boîte fermée que la brune prit délicatement. Elle retourna près des garçons et déverrouilla l'objet. Une injection. Identique à celle que leur supérieur possédait encore quelques minutes auparavant. Elle leva brusquement la tête vers ses camarades.

- Peut être en auront-ils besoin là bas !

- Qu'est ce qu'on fait alors ? demanda Marlowe, soucieux de respecter la chaîne de commandement.

- Vous deux, vous emmenez le major et vous allez vous abriter dans la maison là bas au cas où des ennemis arriveraient de votre côté, ordonna la jeune fille. Moi je fonce rejoindre le caporal.

Elle fixa le mur au loin avant de reprendre.

- Frock, Marlowe, il vous reste du gaz ?

- Bien sûr, répondit le blond, on a encore le plein, on est restés au sol avec les autres nouveaux.

- Donnez moi une bouteille chacun alors, les miennes sont vides et au moins, vous aurez encore de quoi voler si besoin.

Les deux soldats obéirent et rapidement, Aya'nah fut équipée. Ils la regardèrent courir sur l'herbe pour rejoindre les bâtiment, puis voltiger au milieu de ruines. L'adolescente allait aussi vite que possible. Elle bascula son bassin, prit de l'élan sur un toit, repartit dans les airs, tournoya sur elle même pour modifier sa trajectoire sans perdre de la vitesse. Elle avait le pressentiment qu'elle devait faire au plus vite. Arrivée au pied de l'imposante muraille, elle planta ses grappins et se tracta le long de la construction. Elle passa au dessus et écarquilla les yeux en voyant l'état du district de Shiganshina. La fumée s'élevait doucement des zones de combat maintenant délaissées, les bâtiments, initialement en ruines, n'étaient pour la plupart plus que des morceaux délabrés. Elle sonda chaque côté de son regard acier, puis ce dernier s'arrêta sur un toit, un peu plus loin. Des soldats du bataillon. Elle plissa les yeux et put distinguer Livaï parmi ses camarades d'escouade, ainsi qu'Hanji. Aya'nah se jeta dans le vide, ne lançant son câble qu'au dernier moment. Elle frôla le sol de la ruelle et se propulsa en direction du groupe. Elle approchait quand elle aperçut le corps calciné. Un simple récapitulatif de ses amis lui permit de savoir son identité. Armin. Elle accéléra tandis que des larmes montaient dans ses yeux. Sur le toit, tous levèrent la tête vers elle alors qu'elle scindait les airs. Elle atterrit au milieu de la troupe et avant que Jean ne puisse se réjouir de la voir en vie ou que Livaï ne puisse la questionner, elle demanda.

- Que s'est-il passé ?

D'une voix brisée, Eren lui résuma la situation.

- Il... Il est mort ?

- Il respire encore, l'informa le garçon au tempérament fort. Mais il ne va pas tenir longtemps, et le caporal a déjà utilisé l'injection, on a plus d'espoir.

Il laissa les larmes dévaler ses joues et Aya'nah sortit le boîtier de sa veste. Les soldats cessèrent de respirer, ne pouvant croire qu'il s'agissait de ce à quoi ils pensaient.

- Il y avait une injection dans les affaires du titan quadrupède, expliqua la jeune fille, c'est la raison de ma venue. Je suppose qu'ils avaient amené des réserves pour transformer les villageois dans l'enceinte du mur Rose. Nous pouvons transformer Armin, il deviendrait le réceptacle du colossal.

- Entendu, acquiesça Livaï. Aya'nah, occupe toi de la piqûre, les autres, éloignez vous.

Les soldats quittèrent le toit, laissant l'adolescente avec Armin et Bertolt, tous deux inconscients. Elle s'approcha du militaire et avec douceur, saisit son bras brûlé. Elle lui injecta le produit avec sang froid et rejoignit le groupe tandis qu'il se transformait. Les derniers membres du bataillon d'exploration virent l'ennemi se réveiller et hurler au secours pendant que le titan blond le dévorait. Durant les quelques secondes pendant lesquelles leur ami d'enfance était un géant, Eren et Mikasa remercièrent la brune de l'avoir sauvé. Puis ils se précipitèrent pour récupérer Armin et le ramener au sein du groupe. Tout était silencieux, et soudainement, Jean se leva. Il avait failli voir mourir trop de proches aujourd'hui, et cela lui avait permis de prendre conscience d'une chose. Il ne fallait pas attendre de tout perdre. Aussi, il se planta devant Aya'nah, larmes aux yeux, et la prit dans ses bras. Elle répondit à l'étreinte, bien que surprise, et il lui chuchota quelques mots à l'oreille qui firent briller les yeux de la jeune fille. La scène n'échappa à personne, et les militaires virent ensuite Jean saisir le visage de l'adolescente avec douceur avant de l'embrasser tendrement. Sasha applaudit, ravie, et bientôt, des sourires s'affichèrent sur les visages des soldats, touchés par cet instant si pur. Aya'nah, elle, répondit au baiser, passant ses bras autour des épaules du garçon.

Épilogue

La vérité sur les titans était tombée. Reiner avait finalement été capturé plutôt que tué. Le renégat, voyant son échec et la mort de ses complices, avait annoncé aux soldats qu'il ne résisterait pas. Seul, il n'avait plus aucune chance, et il en était conscient. Les militaires avaient alors compris une chose cruciale. Le blond était moralement détruit. Conditionné depuis l'enfance pour réaliser cette mission, il avait commis des horreurs qui l'avaient plongé en enfer et il ne souhaitait maintenant que rédemption. Alors il avait parlé. Il avait répondu à toutes les questions, sans résister, sans hésiter. Tout ce qu'il savait sur son monde, il l'avait offert à ses anciens camarades. Avec le bestial et le colossal de leur côté, en plus d'avoir sous surveillance le cuirassé et le féminin, les habitants de l'île savaient que Mahr ne reviendrait pas avant longtemps. Toutefois, le gouvernement décida qu'il était temps de préparer la population au monde extérieur. Le bataillon d'exploration, ou du moins ce qu'il en restait, fut décoré avec honneur et assigné à la reconquête des territoires perdus au delà des murs. Les derniers titans furent abattus et les soldats découvrirent lors d'une expédition ce que les livres appelaient océan.

Ils laissèrent leur monture et descendirent sur la plage. Tous retirèrent leur bottes pour sentir le sable chaud sous leurs pieds. Seul Livaï resta en retrait, peut attiré par les eaux salées. Armin laissa la mer engloutir ses chevilles. Il fixait le paysage nouveau qui s'offrait à lui sans parvenir à réaliser que son rêve d'enfant était maintenant réel. Fidèles à eux même, Sasha et Connie s'arrosaient mutuellement sous les regards amusé de Jean et agacé d'Irra tandis qu'Hanji s'extasiait aux côtés d'Erwin.

- C'est fou ! s'écria la cheffe d'escouade. Toute cette eau est salée ?! Oh ! J'ai vu un truc bouger !

- Tout doux Hanji, intervint Livaï avec méfiance depuis la berge. Ça pourrait être dangereux, ne touche à rien !

Le petit blond tourna la tête de l'autre côté pour voir Mikasa avancer dans l'océan avec suspicion. Elle grimaça lorsqu'elle sentit quelque chose toucher ses jambes puis elle leva les yeux vers son ami. Ils se regardèrent. Ils se sourirent. Les enfants de Shiganshina avaient grandi, pourtant, ils s'étaient retrouvés. Aya'nah avait retiré ses bottes, comme les autres, mais elle était restée à l'écart. Tout ça, l'extérieur. C'était loin de son monde. Une bourrasque de vent fondit sur elle et elle frissonna. Elle se sentait si fragile. La jeune fille sentit alors quelque chose contre son dos. Des bras passèrent autour d'elle, lui offrant une étreinte affective et protectrice. Livaï. Elle ne dit rien, lui non plus. Il savait déjà, elle aussi.

- Vas-y, murmura le jeune haut gradé pour l'encourager.

Ce genre d'attitude ne lui était pas familier, mais cette enfant, si semblable à lui, l'avait quelque peu changé. Il voulait la protéger, comme il avait voulu protéger Isabel jadis. Cette fois, il se promit qu'il n'échouerait pas. Elle glissa hors de ses bras, fit un pas en avant, s'arrêta devant l'eau. Jean, voyant son doute, s'approcha et lui tendit la main. L’adolescente saisit l'offre, entrelaçant ses doigts dans ceux du garçon et il la tira contre lui. Les sensations nouvelles déferlèrent en elle. Le sable humide sous ses pieds, le contact ondulé des végétaux, la mer et son sel frottant contre sa peau. Elle frissonna et le soldat la prit avec tendresse dans ses bras avant de l'embrasser. Aya'nah sourit contre ses lèvres, heureuse de vivre ce moment. Aujourd'hui, elle n'était plus seule. Elle avait une famille, des amis. Elle était aimée, et elle aimait.

FIN

 

 

 

En espérant que tu auras aimé cette lecture. Adapter un manga en écrit fut une expérience très constructive pour moi.

 

 

/Février 2018 à Août 2018/

Commentaires

  • Chibiyama

    1 Chibiyama Le 15/04/2018

    Aah c'était bien, la suite promet d'être épique! Hanji toujours fidèle à elle même, ses interactions avec Livaï m'ont faites rire ^^
    J'ai adoré le combat entre Mikasa et Aya'nah dans le précédent chapitre, même si j'avais parfois un peu de mal à visualiser c'était une belle scène!
  • Chibiyama

    2 Chibiyama Le 25/03/2018

    Wow wow, t'as réussi à écrire une scène où Livaï est attendrissant ET crédible, félicitations, j'avais vu ça nul part ailleurs je crois ^^ j'aime beaucoup Aya'nah, c'est l'une de tes OCs que je préfère pour l'instant je crois
    Irra est insupportable, tellement cliché, ça fait du bien de la voir se faire remettre à sa place! Après je la rangerais pas dans la catégorie des Mary-Sue car pour moi, l'une des caractéristiques principales des Mary-Sues est que tout le monde les apprécies et les admire ce qui n'est pas du tout le cas chez Irra x) Après vu qu'elle est faite pour être un cliché dont on se moque j'imagine que c'est normal!
    Voilà bref encore bravo pour l'écriture de Livaï qui est pas du tout OOC je trouve, ça fait du bien de lire ça
    laiah

    laiah Le 25/03/2018

    Oh j'suis tellement touchée par ton commentaire, ça me fait trop plaisir parce que Livaï est un personnage très difficile à interpréter et j'ai réécrit cette scène tant de fois pour que ça me plaise que je me sens fière de ton compliment. Oui, j'aime beaucoup ma p'tite Aya'nah aussi, elle est trop choupie (je ne suis pas objective certes.) T'as pas tort pour la Mary Sue, après selon moi, c'est justement parce que qu'elles sont si appréciées et admirées qu'elles en deviennent parfois insupportable, surtout que ce n'est pas toujours cohérent vu leur comportement, d'où ma phrase dans l'intro où je dis qu'elle sera dans un contexte réaliste ^^ (mais j'admets que je l'ai travaillée de sorte à la développer hors contexte de son rôle de base de Mary Sue, histoire d'en faire un réel personnage de mon intrigue, appréhendé par les personnages comme le lectorat de façon plus crédible.) Merci merci, j'espère que la suite te plaira !

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