Laiah

Fiction - Transcendante réalité

Quand j’étais au lycée, j'avais très envie d'utiliser comme personnages mes potes, de transformer notre quotidien banal d’ados à l'existence banale avec un contexte plus cool et badass, du coup cet écrit est inspiré de notre vie à l’époque, de nos private jokes, de nos goûts, mais dans un univers de fantaisie. Il s'agit de ma première fiction écrite en écriture inclusive. Pas besoin d'autres précisions, du coup bonne lecture.

[TW : sang, violence, mort, combats]

Couverture

Prologue

L’humanité a toujours contrôlé le monde, se plaçant au dessus des autres espèces, au dessus de la vie, estimant sa conscience au delà de l’existence elle même. Elle croit encore aujourd’hui être supérieure, au sommet de la pyramide, elle pense savoir et maîtriser son espace. Pourtant, cette place sociale est un leurre. La réalité est autre, d’autres races œuvrent dans l’ombre, laissant l’être humain croire avec fierté en sa domination. Le dédain qui a enveloppé son âme est bien plus que la conséquence de ce mensonge dans lequel il vit paisiblement depuis de nombreux millénaires, il est progressivement devenu le bandeau qui l’aveugle. L’arrogance pousse chacun·e à refuser la vérité. L’enjoliver de fabulations plus douces pour l’esprit, créer sa propre réalité, être certain·e que cette dernière plaira à son amour-propre si instable. C’est ainsi que l’humanité prospère, encline à se cacher de ce qui toucherait son ego, ce fragile ego, et permettant à des espèces bien plus puissantes de contrôler le monde, mais surtout, de le préserver de la menace qu'elle représente. Ces nations sont loin de rester invisibles, au contraire, elles s’assurent d’être présentes aux yeux de tou·te·s, mais suffisamment inaccessibles pour que quiconque ne puisse croire en elles. De cette façon, vampires, loups-garous, elfes, fées, sirènes et sorcier·e·s coexistent parmi la réalité telle que l’être humain la conçoit, dans une discrétion irréelle. Les univers se superposent, magie aidant, et si l'humanité frôle le savoir, ce dernier lui est encore insaisissable. L'équilibre de cet autre monde si proche de la Terre repose sur ces six ethnies, chacune ayant un rôle majeur à apporter dans la paix. Ainsi, le peuple des loups-garous se vit chargé de protéger les limites des territoires du Monde Magique tandis que celui des sirènes s'occupa de l’océan, ainsi que de ceux de la planète voisine, dans la mesure du possible et de l’action humaine. Elfes et fées se partagèrent l'éthérée des éléments là où les sorcier·e·s promirent de préserver l'Ordre Magique. Les vampires, de part leur nature et leur communauté, jurèrent de veiller sur la Mort et formèrent l'Armée de l'alliance des six espèces surnaturelles. Chacune d'entre elles est gouvernée par un·e représentant·e de sa race, ou par plusieurs personnes, et chaque dirigeant·e siège au Conseil, qui prend sur lui la responsabilité du peuple magique, et décide des actions communes comme du maintien du secret face à l’humanité. Dans cette réalité, les générations futures, qui auront pour rôle de préserver le monde, et d’en protéger l’équilibre, sont l’importance capitale et la priorité de la population et de ses politiques, c’est pourquoi l’enseignement a un rôle primordial. Les écoles sont minutieusement travaillées afin d’exceller dans tous les domaines, et la meilleure de toutes porte de nom de Kall’Auhel.

 

Chapitre 1

 

Chapitre 1 : Adolescent·e·s particulier·e·s

L'adolescent quitta son lit d'un air las. Il regarda son réveil et soupira en voyant l'heure. Comme toujours, il sortait du sommeil avant que l'appareil ne sonne. Et comme toujours, il coupa la petite machine avant de délaisser l'ambiance obscure et reposante de sa chambre. Elaï-J’ah se levait tôt par habitude, il n'aimait pas traîner le matin. Âgé de dix-sept ans, les cheveux courts, bruns aux pointes blondes ; le regard sombre, dans la couleur comme l'expression ; la taille fine qui dissimulait une force insoupçonnée, d'une hauteur moyenne, il dégageait un charisme sauvage et indépendant éblouissant pour qui savait apercevoir les auras. Le jeune adulte traversa sa suite pour atteindre le coin cuisine de ses quartiers bien trop spacieux pour une seule personne. Alors qu'il se servait un verre de jus de fruits et qu'il sortait la brioche des placards, sa mère entra, après avoir frappé à la grande porte des appartements. Les deux gardes qui l'escortaient restèrent à l'extérieur de l'habitation. Elaï-J’ah porta le gobelet à ses lèvres et but une gorgée tandis que la femme se plaçait face à lui.
– J'ai vu que tes affaires étaient entreposées dans le salon, commença celle qui se nommait Klodeen et qui, derrière ses trente-cinq ans de façade, possédait en réalité plusieurs centaines d'années de vie. Tu te sens prêt pour ton année ?
Le brun hocha la tête. Il allait entrer pour la première fois de sa vie dans un établissement scolaire mais n'était pas inquiet. Il n'était pas anxieux de quitter le royaume des loups-garous, et la perspective de rencontrer les autres races magiques ne le dérangeait nullement. De par son rang d'aîné de l'Alpha, il avait passé son enfance dans le luxe du palais, instruit par les meilleur·e·s précepteur·rice·s de l'espèce. Mais dorénavant, il était temps pour le jeune loup d'intégrer la célèbre école Kall’Auhel, dont la réputation n'était plus à faire. Sa mère, cheffe incontestée de la meute formée par le peuple sauvage, l'avait inscrit dans l'objectif de le préparer à devenir à son tour Alpha, lorsqu’elle même serait lasse d'exercer ce rôle, qu'elle occupait depuis déjà de nombreuses décennies. Il s’agissait aussi d’éloigner son aîné de potentiels défis que pourraient lui imposer d’autres loup·ve·s plein d’ambition et convoitant la place. Sans compter que l'établissement excellait dans son enseignement, aussi, la décision avait été évidente pour la dirigeante. Klodeen se permit de donner quelques conseils à son enfant, puis elle lui souhaita une bonne rentrée avant de le laisser dans ses quartiers. Elaï-J’ah finit de manger, pas plus pressé que stressé. Il prit ensuite ses valises et sortit de ses appartements, qu'il ne reverrait pas avant les prochaines vacances scolaires. L'adolescent traversa le palais, escorté de deux gardes, pour rejoindre l'extérieur et s'engager vers le gigantesque portail magique qui liait les royaumes entre eux et permettait de voyager sans perdre de temps. Le jeune adulte entra dans le vortex, laissant les deux loups qui l'accompagnaient, et lorsqu’il fit un pas en avant, il pensa à l'école. Cette dernière se matérialisa sous ses yeux, et le loup apprécia la beauté du lieu. L'architecture était fine, détaillée, dans un style très ancien mais soigné, tout en restant sobre et discret. Un homme indiquait une grande porte à quelques mètres tout en faisant léviter une pile de dossiers de sa main gauche, et des adolescent·e·s de toutes espèces suivaient la direction qu'il désignait. Elaï-J’ah imita le groupe et s'installa dans l'immense amphithéâtre, aux côtés de tou·te·s les nouveaux·elles étudiant·e·s.


 

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Julyet ouvrit les yeux quand le cri se reproduisit pour la sixième répétition. Elle ne put réprimer la pointe d'agacement qui survint en elle, elle détestait ce genre de réveil. Heystelle l'appela une nouvelle fois, et l'adolescente repoussa rageusement sa couette pour sortir de son lit. Elle quitta sa chambre, sa mère était debout au milieu du salon, à côtés des valises.
– Ah, ça y est, tu es réveillée, constata la femme tandis que les ailes dans son dos battaient frénétiquement, en rythme parfait avec son pied qui tapotait le sol à fréquence régulière, démontrant l'impatience qu'elle ressentait.
– Bonjour aussi maman, oui j'ai très bien dormi, répondit la jeune fille d'un air las.
La Reine des fées soupira.
– Dépêche toi de te préparer Julyet, ton père et moi attendons pour te conduire au portail.
– Où est-il ? demanda la Princesse en parcourant la suite des yeux à la recherche de son autre parent.
– Dans le couloir, il discute avec les gardes chargés de surveiller tes quartiers.
L'adolescente ne répondit rien et passa à côté de sa mère pour atteindre le lavabo. Tandis qu'elle s'apprêtait, la Reine l'observa. Son aînée était magnifique, les yeux noirs, grands et expressifs, emplis d'empathie et de joie de vivre, les cheveux coupés au niveau des épaules, d'un ébène profond, tranchés par une mèche blanche éclatante, qui retombait près de son oreille gauche, la taille fine et les courbes gracieuses. Bien que plus petite que les autres fées, la jeune fille compensait sa hauteur par l'ampleur de ses ailes, majestueuses et immenses, un amoncellement de voiles transparents qui, même repliés dans son dos, ne passaient pas inaperçus. Heystelle était très fière de son enfant, notamment parce qu'elle était destinée à être Gardienne, en plus d'hériter du trône. Julyet rejoignit sa mère et toutes deux sortirent des appartements. Le Roi mit fin à sa conversation pour les suivre à travers les couloirs. La famille royale se dirigea hors du palais pour atteindre le portail. Une fois devant, les deux souverain·e·s embrassèrent leur fille avec affection avant de la laisser s'engouffrer dans le vortex. C'était la première fois qu'iels la laissaient quitter le royaume, la première fois qu'elle allait dans un établissement scolaire, loin du confort du palais. Songeant à sa nouvelle école, l'adolescente avança et se retrouva dans un hall sublime. Elle repéra un groupe de personnes qui semblaient de son âge et entra dans un amphithéâtre bondé de monde. La jeune fée s'assit sur un siège libre et attendit.


 

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Halexandr croqua dans son fruit tout en tournant la page de son livre. Curieux de nature, il avait comblé l'ennui de sa vie monotone et répétitive en se plongeant dans les grimoires de magie depuis son enfance. Rapidement, et ce malgré son jeune âge, il était devenu très doué, de part la connaissance qu'il puisait dans ces ouvrages et l'entraînement qu'il pratiquait quotidiennement. Son père, le Mage Suprême, le laissait faire, certain qu'il développerait ainsi ses forces et sa puissance, ce qui, selon lui, lui apporterait les capacités nécessaires pour prendre un jour sa place à la tête des sorcier·e·s. Assez grand, mince, les cheveux châtains, coupés courts, avec les yeux marrons, il avait un charisme certain de part son attitude désinvolte et assurée. Le jeune homme finit son petit déjeuner, rangea précieusement son bouquin, enfila son long manteau sombre puis il saisit ses valises et quitta ses appartements. Ses parents lui avaient fait parvenir leurs encouragements pour sa rentrée la veille, par un simple message. Il traversa les longs couloirs sans prêter attention aux personnes qui se courbaient respectueusement sur son passage. La noblesse et ses jeux sociaux l'ennuyaient particulièrement et il avait grande hâte de quitter cet endroit pour rejoindre sa nouvelle école. Là bas au moins, les soirées interminables aux protocoles strictes ne seraient plus qu'un lointain souvenir. Il serait enfin un adolescent normal. Jamais encore il n'était parti de chez lui, mais lorsqu'il avait réclamé à ses parents une inscription à Kall'Auhel, ceux ci n'avaient pu refuser, connaissant le talent de leur fils et la réputation de l'établissement. Son père était même assuré que la rigueur d'une éducation scolaire le retrancherait dans ses limites et lui permettrait de perfectionner sa magie, l'apprêtant ainsi au Tournoi qui devait se dérouler au cours de l'année. Halexandr soupira à cette pensée. Il n'était pas très proche de sa famille, et cette dernière, profondément ancrée dans la noblesse et ses coutumes, n'avait jamais envisagé que le fils prodige puisse être aussi désintéressé. Celui ci prenait soin de ne pas aborder le sujet, conscient que ses choix et idéaux seraient de toute manière rejetés. La meilleure solution était de s'éloigner de ce cadre familial pour s'épanouir dans une vie simple d'étudiant magique. D'un pas décidé, le jeune sorcier s'enfonça dans les rues déjà bondées de foule, se dirigeant vers la place centrale. Puisqu'il était en avance, il prit le temps d'admirer les bâtiments à l'architecture bien plus sobre que le lieu dans lequel il vivait depuis sa naissance. Des enfants couraient entre les ruelles en criant, sous le regard amusé des passant·e·s, en symbiose avec les voix hautes et fortes des marchand·e·s. La ville était décidément bien plus énergique que le palais et son règlement draconien. L'adolescent arriva sur le lieu qu'il cherchait. Devant lui, une grande fontaine amplifiait le charme citadin, et derrière celle ci se situait un portail gigantesque. La porte du royaume. Et pour lui, la porte de la liberté. Il jeta un dernier regard à la cité, sublime, ainsi qu'au colossal et magnifique pont de cristal qui s'étendait dans l'horizon au dessus des maisons. Le sourire aux lèvres, il se précipita dans le rayonnement magique et songea à sa nouvelle école. Il ressortit dans un endroit magnifique, entouré de personnes de son âge. Traînant joyeusement ses affaires, il entra dans l'amphithéâtre et après une brève observation des places libres, il s'installa à côté d'une fée aux cheveux noirs coupés d'une mèche blanche. Il était on ne put plus motivé à commencer cette journée.


 

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Le garde soupira. Pourquoi fallait-il que ce soit lui qui ait été choisi pour aller réveiller la Princesse, déjà en retard pour son départ ? Il frappa prudemment à la porte, et sans surprise, aucune réponse ne lui parvint. Après tout, Gahelle avait une réputation bien ancrée dans le royaume marin. Il entra avec précaution dans la pièce et aperçut l'adolescente endormie au fond de sa chambre. Il nagea vers elle et lui secoua doucement l'épaule. La jeune sirène grogna de mécontentement.
– Princesse, chuchota l'humanoïde des océans, vous allez manquer la réception des élèves à Kall’Auhel, réveillez vous.
Il voulut de nouveau s'approcher de la royale adolescente mais le pied de cette dernière glissa hors du lit pour frapper son menton. Le garde fut propulsé en arrière, heureusement, la densité aquatique amortit sa chute. Son assaillante émergea alors de sa couchette, les yeux marrons encore endormis et les cheveux en bataille, ce qui était impressionnant vu leur longueur.
– Qu'est ce que tu fous là ? Je dormais, merde. Oh, pardon pour le coup, c’était un réflexe.
Son langage parut aussi royal que son allure aux yeux du pauvre homme qui ne faisait qu'obéir aux ordres de ses souverain·e·s.
– Pardonnez mon intrusion, s'excusa-t-il, vos parents ont remarqué que vous n'étiez pas levée, ils m'ont demandé de venir vous réveiller afin de vous conduire au portail.
– Ah ouais c'est vrai, la rentrée. Encore désolée pour le coup de pied.
– Ce n'est rien, mais je vous en prie, hâtez vous de vous préparer, vous êtes en retard.
– Ouais ouais, tranquille mon gars, panique pas, répliqua l'adolescente en baillant.
Elle se dirigea vers la salle de bain pour s'habiller puis elle revint vers le garde. Celui ci s'était emparé des valises qui attendaient près du lit. Iels se dirigèrent ensuite dans le hall du palais, dans lequel se trouvait la gigantesque porte magique. L'humanoïde la salua respectueusement avant de lui tendre ses affaires. Gahelle le remercia et s'avança dans le vortex, l'école dans ses pensées. Ses parents, le Roi et la Reine des sirènes, avaient décidé de l'y envoyer dans le but qu'elle apprenne tout ce qui était nécessaire concernant sa future fonction de souveraine. Iels espéraient également que leur fille y affinerait son caractère, qu'iels jugeaient trop désinvolte pour une Princesse. Cette dernière avait peu d'intérêt pour la gouvernance, mais en sa qualité d'aînée, le trône lui était par logique destiné. Lorsque l'adolescente sortit de l'autre côté de la porte, l'eau avait disparu, et ses vêtements tout comme son corps et ses affaires étaient parfaitement secs, ce qu'elle apprécia. Personne n'aurait pu deviner qu'elle était sous l'eau deux secondes auparavant, cette faculté très utile était propre au peuple sous marin. Elle respira une grande bouffée d'air frais. Elle n'avait pas eu beaucoup d'occasions de sortir hors des océans durant ses dix-sept années de vie. La jeune sirène suivit la foule jusqu'à un amphithéâtre déjà bien rempli. Elle s'assit au fond de la pièce et se demanda si elle pouvait profiter de l'instant pour compléter sa nuit.


 

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L'adolescent agrippa une branche en tendant les bras et balança son corps souplement pour se hisser avec fluidité sur le membre végétal. Il traversa les bois avec cette même aisance pendant de longues minutes, avant que son ouïe fine ne lui permette d'entendre son nom résonner entre les feuillages. Il fit demi tour et s'arrêta près du grand édifice qu'il habitait, construit en haut des arbres les plus imposants. Le jeune elfe sourit en voyant qui l'avait appelé. An'nahys attendait sur une plateforme, mains sur les hanches.
– Bon, tu descends Myugo ? Dois je te rappeler quel jour nous sommes ?
Le garçon lui jeta un regard rieur avant de glisser le long de la cime. Grand et élancé, il avait les cheveux ni longs, ni courts, bruns et décoiffés. Ses yeux marrons pétillaient de bonne humeur et son sourire parfait, immaculé, illuminait son visage tout en contrastant avec sa peau bronzée.
– J'ai sérieusement l'impression d'être ta mère parfois, soupira l'adolescente.
Myugo l'embrassa sur la joue.
– Je suis sûr que ça ne te déplairait pas !
– Et puis quoi encore, râla An'nahys, amusée malgré tout.
Iels entrèrent dans le bâtiment en bois et Myugo saisit ses valises qu'il traîna derrière lui sans aucune précaution.
– Quel Prince tu fais mon pauvre vieux, le réprimanda son amie avec un air exaspéré.
L'elfe lui lança un sourire exagérément grand tandis que ses longues oreilles frétillaient de bonne humeur.
– Et Gardien ! clama-t-il avec fierté.
– On est vraiment dans la merde, souffla la jeune fille.
– Hé, protesta le jeune elfe.
Iels rirent doucement, complices, puis Myugo prononça les mots qu'iels pensaient tou·te·s les deux.
– Tu vas me manquer.
– Toi aussi, p'tit Prince, répondit An'nahys avec un sourire.
– Pourquoi tu ne t'inscris pas à Kall’Auhel avec moi ?
– Tu sais très bien que ma place est ici, au milieu des arbres et pas dans une école, aussi réputée soit-elle.
Le royal adolescent souffla, faussement vexé.
– Je savais que tu préférais tes fougères à moi.
– Tss, allez, file avant d'être en retard. Sale gosse !
Myugo tira la langue à son amie avant de partir vers la place centrale de la cité perchée dans les branches, où le portail se situait. Il entra dans le vortex, imaginant les formes du lieu qui allait l'héberger pour les prochaines semaines, et fit un pas en avant. Un endroit magnifique se forma autour de lui, loin de la simplicité des constructions de bois de son peuple, mais d'une même finesse enchantée. Il pénétra dans l'amphithéâtre qui se comblait peu à peu d'adolescent·e·s et s'assit sur un siège en attendant la suite.


 

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La jeune vampire s'empara de sa valise, vérifiant d'un regard qu'elle n'avait rien oublié. De taille moyenne, voire un peu  petite, le corps finement sculpté d'une musculature à la fois discrète et efficace, la silhouette fine et élancée, elle était âgée de dix-sept ans et avait de longs cheveux tirant entre le châtain et le brun, parcourus d'une grande mèche rouge éclatante qui partait du dessus du crâne pour retomber sur la droite. Ses yeux, cernés d'un noir profond longeant ses paupières en pointe, avaient des iris couleur sang. Ils étaient assez grands et auraient pu être très expressifs s'ils n'étaient pas dénués d'émotion. Deux longues et fines canines ressortaient sur le coin de ses lèvres, terminant de lui forger des traits durs et intimidants. Elle songea à mettre des vêtements plus confortables lorsque des coups retentirent à la porte. Un soldat entra, le poing droit fermé sur son épaule gauche.
– Altesse, votre père vous attend de toute urgence dans la salle du trône.
– Juste quand je devais partir... Puis je te demander de mener cette valise jusqu'au portail ? Je t'y rejoins dès que possible.
– A vos ordres, opina le militaire en prenant les affaires.
L'adolescente se dirigea immédiatement vers la pièce la plus importante du palais. L'Empereur était debout sur l'estrade, devant son grand siège d'argent et d'onyx. D'une stature imposante qui laissait deviner des muscles efficaces, il avait sur le visage une expression sévère. Sa chevelure de jais était coupée courte, bien que tranchée de la même mèche écarlate que sa fille. L'adolescente posa un genou au sol en tapant son poing clos sur son épaule.
– Vous m'avez demandée, Père ?
– Laiah, relève toi, dit le monarque d'une voix ferme bien qu'emplie d'affection envers sa fille unique.
Elle s'exécuta.
– La mission de cette nuit a été un succès, reprit Ant'onyyh, nous avons récupéré les documents. Malheureusement, elle nous a coûté très cher. Nous avons perdu le Commandant et l'Adjudante Cheffe.
– Comment ?
– Nos ennemi·e·s étaient préparé·e·s, iels savent comment nous tuer, nous n'en savons pas plus pour l'instant mais c'est inquiétant. Je t'ai convoquée parce que je ne peux pas me permettre d'attendre. Je dois absolument nommer de nouvelles personnes à ces rangs primordiaux pour ne pas désorganiser l'armée. Tu as de nombreuses fois prouvé tes qualités, et je souhaite te désigner comme Commandante.
– Est ce un choix judicieux sachant que je ne serais pas ici pendant mes études ? questionna Laiah, soucieuse de la responsabilité que le second rôle le plus important de l'Empire représentait.
– Je pense, oui. La lieutenante peut me conseiller comme elle l'a toujours fait pendant ton absence, et puis, je te sais capable de gérer cette charge de travail supplémentaire. Les rapports te seront envoyés à l'école si besoin, j'ai déjà prévenu l'administration de Kall'Auhel. De plus, ce sera un excellent exercice pour toi en attendant le jour où tu monteras sur le trône.
– Entendu Père. Et concernant l'autre rang ?
– Je pensais au jeune soldat sorti premier de sa formation. Ton ami, Flo’renh. Pendant son entraînement, il s'est beaucoup démarqué, et lors d'une mission récente, c'est grâce à lui que son équipe s'en est sortie après un imprévu. Je sais qu'il n'a que dix-sept ans, et qu’il n’est sorti de formation que depuis deux ans, mais dans ce laps de temps, il a déjà reçu une promotion, et si j'en crois son dossier, son parcours exemplaire, il semble idéal pour cette fonction. Et tu es toi même la preuve que l’âge ne veut rien dire sur les compétences. De plus, je souhaite placer quelqu'un que tu connais, il est important que les hauts gradés soient en bons termes avec leur future Impératrice. Je voudrais toutefois ton avis.
– Il est talentueux, réfléchi et digne de confiance, il fera un excellent Adjudant Chef.
– Alors c'est décidé. Félicitations pour votre promotion, Commandante.
L'Empereur sourit sur cette dernière phrase. La jeune vampire effectua une dernière fois le salut militaire avant de quitter la salle. Elle n'avait plus le temps de se changer. Tant pis, elle garderait son uniforme, de toute façon elle ne comptait pas se séparer de son équipement, elle l’aurait emmené, même si elle pensait qu’il serait rangé et discret. Elle espérait que cela ne poserait pas problème en arrivant qu’elle porte toujours son sabre, calé entre ses omoplates, et des deux calibres neuf millimètres reposant sur ses cuisses. Laiah retrouva sa valise près du portail magique, remercia le soldat et entra dans le vortex, son nouvel établissement en tête. En sortant, elle vit que le hall était vide. La porte devant elle commençait à se refermer, elle se glissa dans la pièce juste avant. L'amphithéâtre était empli d'adolescent·e·s. Ne désirant pas déranger la femme qui faisait face au groupe tout en parlant, la vampire s'adossa au mur du fond avec nonchalance, et son regard tomba sur la jeune fille devant elle, qui, assise sur le premier siège de la dernière rangée, dormait profondément.

 

 

Chapitre 2

 

Chapitre 2 : Colocation

La directrice monta sur l'estrade qui faisait face à plusieurs centaines d'adolescent·e·s, tou·te·s assis·es sur les sièges de la salle. L'amphithéâtre était bondé de jeunes nouvellement inscrit·e·s dans l'établissement qu'elle supervisait. Elle était grande, son corps ondulait à chaque mouvement, ses formes prononcées et l'élégance de ses vêtements dévoilaient une grande beauté tout en soulignant son allure d'une grande finesse. Le regard bienveillant mais autoritaire, d'un jaune doré brillant, la peau sombre, les cheveux noirs coupés courts sur sa nuque malgré de longues mèches échappant aux lois de la gravité sur le dessus. Elle laissait ses iris glisser le long de la pièce sans dire un mot, attendant le silence. Ce dernier arriva vite, les élèves étant impressionné·e·s par sa prestance majestueuse.
– Bonjour à tous et à toutes, commença-t-elle d'une voix calme et profonde. Je vous souhaite la bienvenue à Kall’Auhel, mon nom est Aïa'lyss Lonn'kyh, je suis la dirigeante de l'école.
Elle se tut un instant, dévisageant les adolescent·e·s qui la regardaient sans dire un mot. Son regard accrocha une silhouette sombre en fond qui venait d’arriver, presque en retard, mais elle savait pourquoi. Elle reprit.
– En fonction de votre avenir, de vos goûts et de vos choix, vous aurez un emploi du temps et des cours spécifiques. Je compte sur vous pour être responsables de vous même ainsi que de votre travail et j'espère que votre année ici se passera sans problèmes. Puisque vous venez d'arriver et qu'il me paraît nécessaire de vous laisser vous installer et vous habituer au lieu, il me semble évident que vous n’irez pas en classes aujourd'hui.
Des sourires apparurent sur de nombreux visages et la directrice en fut amusée.
– Concernant l'internat, vous serez réparti·e·s en groupes de six élèves et vous partagez une colocation. Je me chargerai de vous donner tous les détails des répartitions prochainement. Par ailleurs...
Laissant sa phrase en suspend, elle leva sa main droite avec une fluidité et une grâce prodigieuses avant de claquer des doigts. Le bout de ses ongles fut entouré de poussière d'or et soudainement, des cris de surprise retentirent chez les adolescent·e·s. Leurs valises, sacs et affaires venaient de disparaître sans qu'iels ne puissent rien y faire. La sorcière sourit avec malice, dévoilant une dentition blanche et parfaite. Ce simple geste eut pour conséquence de la rajeunir considérablement, bien qu’elle ne paraisse avoir à peine une trentaine d'années, elle semblait maintenant être âgée d’à peine vingt ans.
– Je me suis permis de vous débarrasser de vos effets, indiqua-t-elle quand le calme fut revenu. Vous les retrouverez sur vos lits tout à l'heure.
Elle marqua de nouveau un arrêt, laissant aux jeunes étudiant·e·s le temps d'assimiler les informations de son discours.
– Puisque nous parlons des appartements, continua Aïa'lyss, laissez moi vous expliquer comment cela fonctionne. Au niveau des règles, je ne vous assommerai pas de directives, vous êtes responsables de vos actes et de vos choix. Toutefois, je préciserai simplement que je n'accepte ni l'intolérance, ni le manque de respect. Avisez à partir de ceci.
Elle lorgna la foule d'un œil sévère qui prévenait de ses intentions si quelque chose venait à mal se passer. L’avertissement fait, elle reprit.
– Vous partagerez donc des logements, ces derniers contiennent toutes les pièces nécessaires à votre quotidien. Des agent·e·s de nettoyage passeront chaque semaine, le vendredi matin à huit heures. Pendant les vacances, si vous restez à l'école, iels viendront plus tard, à dix heures. Ce sont eux·elles qui sont chargé·e·s de faire les courses, il vous suffit donc d'écrire ce dont vous avez besoin sur la liste qui est placée dans la cuisine. Vous aurez chacun·e un bureau, c'est là que nous avons mis vos emplois du temps et documents de rentrée, et c'est également là que vous recevrez vos courriers, travaux et disposerez de vos affaires scolaires. Si par la suite, vous avez des questions à propos de vos quartiers, des surveillant·e·s seront présent·e·s dans l'internat vous vous aider. Sachez également qu'au rez de chaussée du bâtiment se trouvent des salles de sport, des cafés, des magasins et des cinémas, ces lieux sont toujours ouverts et à votre disposition.
Elle sourit de nouveau, avant de conclure.
– Le dernier point que j'ai à aborder avant de vous répartir dans vos appartements concerne quelques élèves parmi vous. Cette année, Kall’Auhel a la chance d'accueillir six personnes spéciales et il est mon devoir de rappeler que si leurs rangs nous contraignent, vous comme moi, à rester formels en leur présence, ces jeunes gens restent des élèves au même titre que vous. Iels ne seront pas favorisé·e·s d'un point de vue scolaire, tou·te·s les étudiant·e·s ont la même importance à nos yeux, j'espère être claire là dessus. Je souhaiterais toutefois présenter ces six adolescent·e·s, et ainsi les rencontrer. J'en profiterai pour entamer la répartition en faisant avec eux·elles le premier groupe.
Aïa'lyss s'avança sur l'estrade et fit glisser son regard sur les différentes rangées d'élèves. Certain·e·s chuchotaient avec leurs voisin·e·s, essayant de savoir qui parmi eux·elles avaient une place particulière.
– Faisons par étape, enchaîna la directrice. Elaï-J’ah, voulez vous me rejoindre je vous prie ?
Le loup-garou s'approcha et rejoignit l'adulte qui lui sourit avant de s'incliner légèrement.
– C'est un plaisir d'accueillir le·a futur·e Alpha, énonça la sorcière avec gentillesse.
– Merci à vous, répondit l'adolescent.
– Je vous laisse attendre à mes côtés que vos futur·e·s colocataires montent sur l'estrade.
Elaï-J’ah recula de quelques pas, peu intéressé par les regards curieux des élèves présent·e·s dans l'amphithéâtre. Julyet fut à son tour appelée, elle sortit des rangs en bousculant involontairement son voisin, un jeune homme qui fixait la scène d'un air las. Elle s'excusa et il secoua la main, manifestant par ce geste qu'il n'accordait aucune importante à sa maladresse. La fée se plaça à son tour face à la directrice, qui s'inclina de nouveau.
– Princesse et Gardienne, j'ose espérer que mon école sera à la hauteur de vos attentes.
– Je n'en doute pas, affirma la jeune fille avec un sourire.
Elle rejoignit Elaï-J’ah en arrière. Vint le tour d'Halexandr, qui, frustré de ne pas pouvoir rester anonyme, arriva face à la femme avec une expression contrariée sur le visage. Avant qu'elle ne prenne la parole, il énonça quelques mots d'une voix claire, sous le regard médusé de la fée qui reconnut le garçon qu'elle avait heurté juste un peu plus tôt.
– Madame, je vous prie d'oublier que je suis le fils du Mage Suprême. Je suis venu dans votre établissement pour être comme tout le monde, je voudrais vraiment me passer de ce genre de protocole, si vous me le permettez bien sûr.
Alors qu'il pensait qu'elle allait refuser par devoir, la sorcière hocha la tête et lui sourit avec sincérité avant d'appeler Gahelle. Personne ne bougea dans la foule et la directrice haussa un sourcil avant de répéter, légèrement plus fort. En haut des gradins, la Princesse des sirènes se réveilla brutalement en entendant son nom. Elle jeta un regard autour d'elle sans comprendre ce qu'il se passait et son voisin, un elfe blond, lui indiqua l'estrade. Elle se leva et se dirigea vers la femme qui l'attendait visiblement. Arrivée à son niveau, la directrice la salua d’un geste de tête formel.
– C'est un honneur de vous accueillir ici, Princesse.
– Ah, bah euh, merci madame.
La sorcière lui indiqua le groupe d'adolescent·e·s derrière elle et la sirène comprit qu'elle devait les rejoindre, ce qu'elle fit. Le fils héritier du royaume des elfes fut nommé et le jeune homme se leva pour monter à son tour sur l'estrade pendant que la directrice l’accueillait solennellement, avec cette même gracieuse gestuelle dont chacun de ses gestes était paré.
– Quelle coïncidence que les deux Gardien·ne·s soient de familles royales, je crois que cela n’était encore jamais arrivé, nota Aïa'lyss avec un sourire bienveillant, bienvenue dans notre établissement, Prince Myugo.
– Je suis très heureux d'être ici, assura l'adolescent d'un air ravi.
Il se plaça par la suite près des autres. La sorcière longea la salle du regard pour s'arrêter sur la silhouette qu’elle avait aperçue un peu plus tôt toujours contre le mur du fond.
– Commandante, dit-elle simplement.
La vampire s'approcha d'une démarche souple, traversant la foule pour rejoindre l’estrade et vint confronter les iris dorés de ses yeux écarlates.
– Bienvenue dans notre école, Altesse, dit la directrice en s'inclinant légèrement. Et félicitations pour votre récente gradation.
Laiah hocha la tête pour la remercier avant de reculer à son tour. Son interlocutrice se retourna vers la foule et elle claqua de nouveau ses doigts. Une copie conforme d'elle même apparut à ses côtés et elle sourit aux élèves dans les gradins. Le clone de la sorcière se tourna vers les jeunes étudiant·e·s qui patientaient sur l'estrade.
– Bien, renchérit Aïa'lyss, continuons la répartition pendant que ce premier groupe me suit pour rejoindre leur appartement.
Aussitôt, la seconde directrice leva ses mains pour invoquer sa magie dorée et un portail se matérialisa sur l'estrade. Elle ouvrit doucement la poignée et se décala pour laisser passer les six jeunes êtres magiques. Ces dernier·e·s entrèrent pour ressortir dans un large couloir. Le clone arriva à son tour et d'un geste de la main, elle ouvrit une porte qui se situait à gauche. Elle invita les jeunes élèves à entrer avant de pénétrer à son tour dans les quartiers.
– Avant que je n'oublie, prononça la sorcière en vrillant son regard dans celui de Elaï-J’ah, je vous informe que toutes les dispositions sont prises concernant la pleine lune. L'extérieur du château, notamment la foret, sera ouvert une fois par mois pendant la nuit afin que tous les loups-garous puissent passer leur transformation dans les meilleures conditions possibles.
L'adolescent hocha la tête, rassuré quant à l'efficacité de l'établissement sur la métamorphose mensuelle contrainte de son espèce.
– Vous allez être colocataires durant votre scolarité ici, reprit Aïa'lyss, tâchez de bien vous entendre jeunes gens. N'hésitez pas à demander de l'aide à vos surveillant·e·s.
Elle leur adressa un chaleureux sourire.
– Bonne journée à vous, bienvenue à Kall’Auhel.
Et d'un claquement de doigts, la directrice disparut, laissant les six êtres magiques dans un silence des plus lourds. Iels parcoururent l'appartement d'un regard curieux. Ce dernier était gigantesque. Sur la droite, derrière un bar imposant, se trouvait une cuisine luxueuse. Sur la gauche, des bureaux étaient entreposés face à face, en deux rangées de trois. Au fond, un salon confortable et spacieux donnant sur un grand balcon, et à droite, un long couloir qui menait probablement aux chambres. Halexandr s'approcha de son bureau pour saisir son emploi du temps et l'étudia minutieusement pendant que Gahelle se laissait tomber dans un pouf confortable. Julyet fixait Myugo d'un regard lourd alors que celui ci s'extasiait sur la décoration murale, n'ayant jamais connu de tel chez lui. Elaï-J’ah avait, tout comme le sorcier, les yeux rivés sur l'organisation de ses cours. Laiah se dirigea dans la cuisine et ouvrit le frigo, elle en sortit une bouteille contenant un liquide écarlate et se servit un verre avant de revenir vers les bureaux.
– C'est quoi ? demanda alors la jeune fée en lorgnant la boisson avec curiosité.
La vampire laissa ses iris descendre pour rencontrer ceux de l'adolescente et cette dernière frissonna face au rouge inexpressif de son regard.
– Du sang, répondit alors Laiah.
Julyet écarquilla les yeux sans répondre. Le loup leva alors les yeux de sa feuille.
– Il y a de la viande dans le frigo ?
– Oui, j'en ai vu dans le tiroir du bas, l'informa la soldate, le frigo est rempli en fonction de tous nos besoins.
Il hocha la tête, satisfait de savoir qu'il aurait de quoi satisfaire son appétit lors du prochain repas. La fée, horrifiée par la vision qu'elle se faisait maintenant des deux prédateur·ice·s, recula jusqu'à se trouver derrière le sorcier. Laiah s'approcha à son tour de son bureau et jeta un bref regard à son emploi du temps avant de saisir un dossier noir fermé par le sceau de l'armée, un cercle rouge sur lequel deux sabres s'entrecroisaient, qui reposait sur la table. Pendant qu'elle consultait les documents qu'il dissimulait, la voix de Gahelle retint l'attention de tout le monde.
– Du coup on est tou·te·s issu·e·s des familles les plus puissantes du continent si j'ai bien pigé ?
– Exact, confirma le jeune elfe avec un sourire. Ravi de vous rencontrer !
– Est ce que notre origine est vraiment importante ? soupira Halexandr, toujours autant agacé de devoir une nouvelle fois confronter son rang.
La sirène haussa les épaules avec désinvolte avant de sortir un téléphone portable de sa poche. En quelques clics, elle fut connectée au réseau de l'école. Julyet, remise de sa frayeur et toujours aussi curieuse, pencha la tête de côté.
– Vous avez de la technologie sous l'eau ? demanda-t-elle, intriguée.
– Tu croyais quand même pas qu'on était coupés de la civilisation comme les autres elfes vegannement primitifs ? répliqua la princesse en haussant un sourcil sans quitter son appareil des yeux.
– Hé ! protesta Myugo. Il y a un elfe parmi vous hein. Et on est pas tou·te·s végans en plus !
Les cinq adolescent·e·s levèrent le regard pour fixer le jeune Prince comme s'il avait dit une chose insensée. Ce dernier soupira, sans pour autant être réellement vexé.
– Enfin, affirma-t-il avec un sourire, nous avons choisi de vivre sans technologie mais nous savons l'utiliser si nécessaire. Il ne faut pas croire tous les clichés ! C'est comme si vous pensiez que tou·te·s les vampires boivent du sang humain !
– Tou·te·s les vampires boivent du sang humain, glissa Laiah sans cesser de lire ses fichiers.
– Oh.

 

Chapitre 3

 

Chapitre 3 : Adaptation scolaire

Devant l'expression dépitée du jeune elfe, les autres adolescent·e·s éclatèrent de rire. La vampire posa alors ses papiers et concentra son regard écarlate sur Myugo.
– Si on en boit pas, on se dessèche.
– Je ne savais pas, pardon, répondit son interlocuteur, ses longues oreilles s’abaissant en signe de confusion.
– T'excuse pas pour ça, c'est rien, répliqua la Commandante.
Elaï-J’ah pencha légèrement la tête sur le côté, prise d'une intense réflexion. Il sembla hésiter un instant, puis se décida à poser sa question.
– Laiah, est ce que les vampires peuvent boire du sang de n'importe quelle race humanoïde magique ou faut-il que ce soit uniquement celui des êtres humains ?
La militaire répondit après s’être tournée vers lui.
– Généralement on ne touche pas aux autres espèces du continent pour des raisons évidentes de respect, mais il est arrivé à de nombreuses reprises que nous ayons des besoins urgents à combler et que nos allié·e·s nous fassent don de leur sang, il est donc tout aussi nutritif malgré une légère différence de goût et de richesse selon les espèces. Par exemple, de par les capacités des loups-garous, votre sang nous donne plus d’énergie et de force que celui des être humains.
Julyet ouvrit la bouche, choquée d'entendre parler de leurs veines comme d'une simple boisson.
– Les fées aussi ? demanda-t-elle d'une petite voix.
– Je ne crois pas avoir déjà personnellement goûté une fée, mais sur le principe, oui. Il me semble que votre capacité empathique accentuer nos émotions, notamment la colère et l’envie de se battre. Je crois qu’il a aussi tendance à nous donner encore plus soif, ce qui pourrait être dangereux ou du moins difficile à gérer.
– Je te déconseille de bouffer une fée, intervint le loup-garou, une fois j'ai bouffé une libellule par accident et les ailes donnent vraiment un arrière goût immonde.
La vampire esquissa un discret sourire amusé, dévoilant un peu plus la taille imposante de ses canines aiguisées et la Princesse aux yeux noirs pâlit rapidement, effrayée par la vision prédatrice comme par les propos qui se tenaient devant elle.
– J'ai peur, murmura-t-elle au sorcier qui étouffait un fou rire.
Gahelle, qui s'était absentée pour visiter le couloir et les chambres qui s'y trouvaient, passa alors la tête depuis le mur pour regarder Julyet.
– C'est con parce que t'es dans la même chambre que Laiah et Elaï-J’ah, lança-t-elle sans aucun tact.
– Quoi ?! réagit immédiatement l'adolescente ailée.
Les nouveaux·elles élèves rejoignirent la sirène dans le corridor. La porte à gauche menait à une chambre de deux places, l'une au nom d'Halexandr et l'autre pour Myugo. A droite se situait une pièce dont les trois lits étaient respectivement destinés au loup, à la fée et, derrière une paroi un peu isolée, à la vampire. Sans doute pour préserver un peu de discrétion à la soldate dont la fonction nécessitait beaucoup de secret. Plus loin, sur le même côté, se trouvait une pièce dans laquelle les meubles étaient disposés dans un bassin afin que la sirène retrouve son milieu naturel et en face, une grande salle de bain commune était installée. Restée devant son lit, placé entre les deux prédateur·ice·s, la brune aux yeux ébènes avait le teint très pâle. Laiah entra alors dans la pièce avec Elaï-J’ah et pendant que la première retirait son corset d'uniforme militaire pour se vêtir d'un débardeur noir plus confortable, le second rangea ses affaires. La Commandante jeta un œil à la Princesse terrorisée avant de lever les yeux au ciel.
– Hey, on va pas te bouffer, tire pas cette gueule, lâcha-t-elle d'un ton froid qui était naturel pour elle mais qui n'arrangea pas la confiance bancale qu’elle inspirait à l’adolescente.
– Parle pour toi, répliqua le loup-garou avec malice, je ne n'ai pour ma part pas encore décidé.
Cette dernière phrase acheva d'apeurer Julyet, qui préféra sortir en courant de la chambre pour retourner dans le salon pendant qu’Elaï-J’ah éclatait de rire.

******

 

Myugo était assis en tailleur sur son lit pendant qu'Halexandr ôtait sa chemise avant d'aller se coucher quand deux coups timides retentirent à la porte de la pièce que les deux garçons partageaient. Ils échangèrent un regard inquisiteur, puis le jeune sorcier alla ouvrir. Il tomba face à Julyet, qui semblait anxieuse.
– Pardon de déranger, commença la fée, mais... euh... comment dire...
– Avec des mots, répondit son interlocuteur, ça me semble idéal.
Ignorant la boutade, l'adolescente leva ses yeux noirs sur lui et prononça d'une traite.
– PitiélaissemoidormiravectoijaitropeurdansmachambreetGahelledortsousleau !
– Alors, tu vas répéter plus lentement parce que j'ai rien compris.
La Princesse ailée prit une grande inspiration avant de répéter, d'une voix légèrement honteuse.
– Je voudrais dormir avec toi parce que j'ai trop peur d'aller dans ma chambre et Gahelle dort sous l'eau donc je ne peux pas lui demander.
Le mage haussa un sourcil. Son premier réflexe fut de refuser, après tout il ne connaissait pas cette fille et rien ne l'obligeait à l'accepter, toutefois en croisant son regard implorant, il changea d'avis. Avec un soupir exaspéré, il se décala pour la laisser entrer et l'intrépide adolescente se confondit en remerciements. Les trois nouveaux colocataires discutèrent pendant deux bonnes heures avant de se coucher. Halexandr se surprit à apprécier la compagnie de son invitée imprévue. Elle était la gentillesse et l'innocence, il aimait la taquiner, la voir bouder comme une enfant en gonflant ses joues et battre des ailes frénétiquement pour montrer sa frustration.

 

******

 

Elaï-J’ah entra dans la chambre et vit que si Laiah était installée sur son lit, concentrée sur un livre, Julyet brillait par son absence.
– Elle est où la fée ? demanda-t-il alors.
– Partie pioncer chez les voisins, répondit la vampire sans lever les yeux de sa lecture.
– Elle t'a prévenue ? renchérit le loup avec surprise.
La Commandante tourna la page de l'ouvrage.
– Non, je l'ai juste entendue supplier dans le couloir.
Le futur Alpha ricana simplement avant de s'allonger dans son lit.
– Tu éteindras la lumière quand tu auras fini de lire ?
– Tu peux le faire dès maintenant si tu veux, répliqua Laiah, je vois dans le noir. Et puis je compte lire toute la nuit.
Son interlocuteur hocha la tête, puis il appuya sur l'interrupteur. L'adolescent s'endormit lentement, bercé par le bruit régulier des pages qui tournaient.

 

******

 

L'horloge approchait de dix heures lorsqu'Halexandr rejoignit le groupe qui attendait pour le cours de Société. En effet, parmi les six adolescent·e·s, il était le seul exempté de Gouvernance. Lors de son inscription, et après un échange avec la directrice de Kall'Auhel, il avait pu demander à ne pas avoir cette matière, car malgré les désirs de ses parents, il savait déjà qu'il ne prendrait pas la suite de son père. Le jeune homme n'avait toutefois pas encore trouvé comment l'annoncer à sa famille, et cette information avait été tenue secrète par Aïa’lyss. En attendant cet instant fatidique, il avait simplement opté pour des heures supplémentaires de Magie afin de perfectionner ses capacités déjà prodigieuses. Les élèves entrèrent dans la salle et s'installèrent tranquillement. Le cours de Société étant une matière générale à l'établissement, les classes formées étaient plus nombreuses que pour d'autres leçons plus spécifiques, aussi étaient-iels une trentaine à s'asseoir dans la pièce. Les chuchotements se multiplièrent quand les étudiant·e·s repérèrent parmi eux les six élèves les plus prestigieux·ses de l'école, ce qui ne manqua pas d'agacer le sorcier. Le professeur arriva enfin, c'était un elfe qui paraissait avoir une trentaine d'années, aux longs cheveux blonds attachés dans son dos et aux yeux bleus comme l'azur. Il posa avec douceur ses affaires sur le bureau et regarda tranquillement chaque élève dans la classe.
– Bonjour à tou·te·s, commença-t-il d'une voix douce, je suis Dyz-ann T'hull, je serai votre enseignant pour cette matière durant votre scolarité à Kall'Auhel.
Personne ne répondit et l'homme se contenta d'entamer son cours par une présentation générale du programme.
– En somme, conclut-il, l'objectif sera pour vous de comprendre comment fonctionne notre monde, nos mœurs, les cultures que nous partageons, et notre histoire. Y-a-t-il des questions ?
Aucune main ne se leva, et aucun bruit ne rompit le silence. Au fond de la classe, Halexandr avait déjà soupiré d'ennui, Elaï-J’ah dessinait sur son cahier, Laiah lisait le manuel avec attention tandis que Myugo crushait sur son professeur et que Julyet se plaignait des elfes à Gahelle qui s'était endormie dès que Dyz-ann avait commencé son explication. Le professeur se lança alors dans une précision qu'il jugeait primordiale. Il insista donc sur la nécessité de distinguer les cours de Société et de Politique, le premier concernant le mode de vie et le second se référant à la gestion de ce mode de vie. Après cette longue introduction, l'enseignant décida de démarrer le premier chapitre, à savoir le peuple des sirènes. Il fit une brève introduction en abordant le lien particulier qui existait entre l'eau et cette espèce.
– C'est entre autres à cause de cette connexion biologique que les êtres humains imaginent les sirènes comme des hybrides humanoïdes poissons.
Gahelle, soudainement bien éveillée, ne put s'empêcher de s'exclamer.
– Ils ont cru qu'on enculait des sardines ou bien ?!
Si dans un premier temps, il y eu une longue seconde de silence ébahi, la classe partit rapidement en un fou rire imprévu. Le professeur attendit patiemment que les étudiant·e·s se calment, puis il adressa un sourire bienveillant à la jeune Princesse des océans.
– Le folklore humain est très vaste et original, mais vous en apprendrez plus en cours d'humanité. Pour votre information, dans l’Antiquité, les textes d’Homère ont présenté les sirènes comme des femmes oiseaux, en se basant sur la mythologie grecque.
- Non mais à ce stade, ils ont juste un gros problème avec les furrys, commenta Gahelle.
 L’enseignant sourit sans rebondir sur son intervention et il reprit tranquillement son cours.

 

******

 

Les six adolescent·e·s se réunirent dans la cafétéria de l'école dès la fin du cours de Politique qui suivait celui de Société chaque lundi. Iels s'installèrent à une table avant de commencer leurs repas. Elaï-J’ah regarda l'assiette de Laiah avant de poser la question qui traînait dans son esprit.
– Tu manges comme nous ?
– Oui. En soit, nous pouvons manger et agir comme tous les êtres vivants même si techniquement, nous sommes morts. Je peux très bien me passer de nourriture comme de sommeil, je n'ai pas de besoin vital si ce n'est le sang. Mais comme certains aliments sont  savoureux, je ne m'en prive pas.
Tou·te·s hochèrent la tête. Cela ne leur avait pas paru comme une évidence que la jeune fille qui parlait, allait en cours, mangeait et se comportait comme elles·eux était en réalité déjà morte depuis sa naissance.
– Dites, vous avez quoi comme cours cet aprem ? demanda alors Myugo pour relancer la conversation. Moi c'est maîtrise élémentaire, avec Julyet je suppose !
La fée opina, toutefois peu désireuse de se retrouver dans une leçon avec un elfe, même si elle n'avait rien contre son colocataire.
– J'ai terminé ma journée, répondit Elaï-J’ah. Je vais sûrement aller regarder une série dans ma chambre.
– Moi aussi j'ai fini ! s'exclama Gahelle en regardant son emploi du temps. Je vais probablement aller dessiner du coup.
– J'ai Magie, enchérit Halexandr.
– Pour ma part, j'ai entraînement militaire.
Les autres échangèrent un regard, mais ce fut le Prince du peuple elfique qui posa la question que les autres se partageaient en silence.
– C'est quoi cette matière ? On ne l'a pas nous.
La vampire haussa un sourcil.
– Je suppose que c'est l'équivalent de vos cours de Sport et Défense. Ce n'est réservé qu'aux vampires qui comptent intégrer l'armée, ou qui en font déjà partie.
Ses camarades acquiescèrent simplement. Le repas se termina autour d'une conversation calme et posée.

 

******

 

Myugo se concentra, les conseils du professeur en tête, et une bulle d'eau se forma au creux de sa main, dansant avec légèreté. Il jeta un coup d’œil sur le côté pour voir Julyet faire voltiger autour d'elle une masse d'air. Les deux Gardien·ne·s avaient déjà manifesté leurs pouvoirs élémentaires lors de situations imprévues, mais s'iels étaient venu·e·s dans cette école, c'était pour apprendre à les maîtriser, ce qui n'était pour l'instant pas du tout le cas. En effet leurs capacités prodigieuses s'activaient sous des impulsions diverses, sans être des actions sollicitées par les deux jeunes élu·e·s. La jeune fée fit bouger lentement ses doigts autour d'elle comme un arc de cercle, l'air de déplaçant sous les gestes. Le professeur, un sorcier roux disposant d'une barbe fournie, semblait âgé d'une quarantaine d'années si l'on se fiait aux légères rides qui traçaient son visage avec régularité, ce qui présupposait donc qu'il avait déjà quelques siècles de vie.
– N'oubliez pas, vos pouvoirs agissent sous vos émotions. Il est donc nécessaire pour vous de maîtriser votre esprit à la perfection, sinon vous perdrez le contrôle de vos actions. Vous allez apprendre dans ce cours, non seulement à articuler avec précision vos capacités de contrôle des éléments, mais aussi à brider et limiter vos sentiments pour qu'ils n'influencent vos pouvoirs que lorsque vous le souhaitez. Ce que je vous explique là est primordial, est ce que vous saisissez bien la chose ?
Les deux jeunes hochèrent la tête. L'enseignant leur montra ensuite de nouveaux exercices qui demandaient tout autant de rigueur.

 

 

 

 

La suite un jour, promis !





/début écriture : mars 2018/

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